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Une publicité avec un homme nu, verge visible (oct. 02).

1. Photo parue dans Le Monde, article, réaction de La Meute publiée au Courrier des lecteurs, réaction d'une lectrice, échanges avec La Meute.

2. Autres réactions de membres de La Meute à cette publicité.

3. Réflexions de Romy Duhem-Verdière à propos de cette publicité et de la nudité masculine en général. Et digression sur le désir. Féminin. [Lire]


« VOUS AVEZ DEMANDÉ LA MEUTE ? »

« C’est scandaleux », s’exclame Pierre Georges dans Le Monde (19 oct. 02) en commentant le lancement d’une publicité pour un parfum, qui représente un homme nu, à la verge bien visible, un homme « très nu, très beau, très viril, très velu ». Il y voit une « atteinte à l’image de l’homme. Enfin, pas de celui-là (…) mais de tous les autres, les pauvres, les humbles, les pas très, les tordus, les pas beaux, les pas jeunes, les pas sveltes ». Il imagine les « ravages dans les ménages », car les femmes pourraient bien lancer : « Dégage, Léon, je veux le même à la maison ! »
Il appelle à l’aide : « Chiens de garde, meute, meute, meute ! »

Vous avez demandé La Meute, mouvement féministe contre la publicité sexiste ? Nous voici !
Merci à ces vendeurs de parfum qui permettent enfin à certains hommes, et peut-être même à vous, Pierre Georges, malgré votre goût pour la provocation, de comprendre l’effet produit sur tant de femmes par cette violence : être l’objet d’une exhibition, voir des images de nudité féminine destinées à des millions de personnes de tous âges, dans les rues, dans le métro, dans des journaux et à la télévision, voir exposée cette nudité qui, dans la réalité, est réservée par la culture à l’intimité.
Un corps nu, offert aux regards, un corps destiné à susciter le désir pour une marchandise, un corps lui-même marchandise. Un corps parfait, et comme ce n’est jamais le cas, même pour des mannequins, un corps qui a été modifié par des ordinateurs pour gommer un défaut, lisser une courbe, allonger des jambes. Un corps semblable à tant d’autres corps des images publicitaires : magnifique, idéal, irréel. Violent.
Violent par sa perfection inhumaine. Violent par son exhibition massive. Violent parce qu’il impose dans notre vie, dans notre esprit, sa norme, toujours la même : jeunesse, beauté, santé. Violent parce qu’il propage dans le monde entier une norme occidentale : le visage et le corps de Blancs.
Oui, la publicité sexiste fait des ravages. Elle nie les différences. Elle sape l’estime de soi. Elle manipule nos désirs, elle joue de nos frustrations, elle aggrave notre mal-être.
NON à la publicité sexiste ! OUI au respect ! La Meute demande une loi antisexiste, afin de défendre les femmes comme les hommes.

Cette lettre a été publiée dans le Courrier des lecteurs du Monde du 23 octobre 2002, sous le titre « La Meute et la pub »

Janine Perrimond a consacré à cette affaire sa chronique sur RTL le 23 octobre 2002
«(…) Oui, et pas le nu sportif , entrevu de dos avant de passer à la douche.. non, le nu sexy, et dans des poses torrides. Bref, du très nu. Franchement pas vilain - Car il s'agit de jeunes gens vraiment bien, sous tous les angles! Une pub Yves Saint Laurent présente même un homme avec tous ses attributs. Pour déclencher un acte d'achat. c'est une première. Enfin c'est seulement dans les magazines de luxe que cette image-là sera produite. Dans les journaux plus bas de gamme, on ne verra que le haut cet Apollon, pas le reste, faudra se contenter de ses aisselles. Normal, puisque nous l'oublions pas, il s'agit de faire vendre un déodorant sans alcool, et un gel-douche corps/ cheveux. Ce qui est rigolo, c'est qu'on a lu à ce sujet dans une gazette -sous la plume d'un homme spirituel : Au secours ! cet homme il est trop beau, à côté, de quoi ai-je l'air ? Et si ma femme disait : je veux le même à la maison ? Eh bien un groupe de féministes, qui répond au doux nom de la Meute, a volé au secours du camp masculin. Elle demande qu'on mette fin à ces pubs sexistes,- qu'on y voie des hommes, ou des femmes. Au passage, la Meute ne se prive pas d'une petite leçon, à l'égard de nos compagnons. Qui dans l'ensemble, ne sont pas atrocement gênés par la vue des filles très déshabillées, dans les publicités. Vous voyez l'effet que ça fait, dit-elle, de voir le corps de l'un des vôtres, exposé à des millions de regards, comme une marchandise. Et surtout, d'avoir à se comparer à une image d'une beauté sublime, presque irréelle. Il y a des jours où ça choque, d'autres, où l'on ressent ça comme une violence.


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Commentaires de signataires du Manifeste "NON à la pub sexiste !"
Francine Comte « Ce n'est pas tellement la beauté de ces corps qui est violente, mais le fait même de se servir du corps dans sa nudité, dans son aspect "objet désirable" comme produit pour faire vendre quelque chose. Vendre le corps est le message qui passe. Je pense que l'obscur désir qu'ont les gens de ce qui est hors d'atteinte est efficace sur certains : on vole les objets qu'on ne peut se procurer, eh bien on peut de même voler, violer les corps, ou les acheter : le pas peut être franchi. »

Tristan Klein « Je suis d'accord, à un bémol près. Il me semble qu'il y a une différence majeure entre les hommes et les femmes et donc entre les représentations publicitaires concernant les hommes et les femmes : si les femmes sont encore dominées dans la société (et la publicité sexiste en est une manifestation), il n'en est pas de même pour la position masculine, qui anime cette domination (si les femmes ont en moyenne et toutes choses égales par ailleurs des salaires inférieurs de 20% aux hommes c'est bien parce qu'il y a des employeurs hommes (il y a encore moins de femmes chez les patrons) pour ne pas leur accorder une juste rémunération (ils trouvent toujours des excuses, de moins en moins valables)). Voilà pourquoi, si le ton de la réponse est juste car il est bon de convaincre d'autres hommes de rejoindre le manifeste contre la pub sexiste, le combat des femmes est d'abord un combat contre la domination masculine, et la situation ne peut être symétrique. C'est pourquoi par delà une réaction isolée, les pubs visiblement destinées à une "cible" féminine n'ont pas le même caractère que les pubs sexistes qui visent à perpétuer par l'image la domination des hommes sur la société (à travers l'écrasement ou l'humiliation des femmes). D'une certaine manière, bien qu'il soit souhaitable qu'aucun être humain ne soit avili dans sa représentation, compte tenu du poids des siècles passés, une petite humiliation de l'image masculine ne peut guère faire de mal. Et puis, il s'agit bien là de remettre en cause le schéma traditionnel masculin, alors ça a un côté rigolo (les hommes doivent apprendre l'autodérision). »

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Lettre d’une lectrice du Monde choquée par la lettre de La Meute publiée dans le Courrier des lecteurs

Chère Florence Montreynaud,
"C'est scandaleux" oui le mot est juste, mais je l'accorde à la réaction de Pierre Georges comme à la vôtre.
Je vous renvoie dos à dos, si je puis me permettre, en disant simplement que le beau n'est jamais scandaleux. Ce n'est que le message dont on l'affuble qui est scandaleux!
Mais de grâce permettez que quelquefois le corps nu d'un être humain puisse illustrer tel produit en rapport avec le corps!
L'intégrisme n'est pas non plus de mise. Ni d'ailleurs votre façon d'entamer votre réponse dans "le monde": imaginez un article qui comporterait les mots suivants: "...une publicité pour un parfum, qui représente une femme nue, à la vulve bien visible, une femme etc..." vous seriez à juste titre choquée, comme je l'ai été en vous lisant.
N'entrons pas dans le jeu de quelques machos. Battons-nous pour faire comprendre à des hommes intelligents (il y doit y en avoir quelques uns) que notre révolution est en marche, tranquille, irrémédiablement et que, qui n'est pas avec nous est contre nous, là aussi!
Les générations arriveront vite, qui auront baigné dans une nouvelle culture et seront en quelque sorte vaccinées.
Mais attention à un vocabulaire qui n'a rien de féminin, car le vocabulaire lui aussi a un genre.
Bien sincèrement vôtre,
Julie Marannes, 23 octobre 2002


Réactions de responsables de La Meute cosignataires du texte publié dans Le Monde
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Florence Montreynaud, Paris
Pourquoi le mot vulve me choquerait-il ? C’est le mot approprié pour désigner les organes sexuels visibles des femmes. Vous ne nommez pas le mot qui vous choque dans la description de cette publicité avec un homme nu, et je suppose que c’est verge. Quel mot proposez-vous pour que la description soit suffisamment précise (le mot nu ne l’est pas assez) ?
Avec les signataires du Manifeste "NON à la pub sexiste !", j’estime que représenter la nudité pour vanter un produit est une façon inadmissible de montrer un corps humain comme une marchandise, comme un objet d’exposition dans la rue.
Je ne vois pas de quelle révolution de femmes vous parlez. La Meute est mixte, et c’est ensemble, hommes et femmes, que nous demandons le respect de la dignité humaine.
Quant aux nouvelles générations, elles sont trop souvent imprégnées par la propagande sexiste qui s’est intensifiée depuis trente ans, notamment à la télévision.
De toutes façons, il ne me semble pas judicieux d’attendre que l’évolution des esprits se produise d’elle-même, ni d’espérer que les nouvelles générations auront davantage d’esprit critique. Ma philosophie est de compter d’abord et avant tout sur nous-mêmes et sur une action collective.

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Perline, Paris

Chère madame,
Le mot "vulve" vous choque ?
Le mot "verge" vous choque ?
Voilà qui est intéressant. Chacun d'entre nous a ses limites et ses chocs.
C'est avec plaisir que je considère toute autre proposition qui me permettrait de parler d'une chose ou d'un objet avec le mot le plus adapté et le plus compréhensible par tous, sans évidemment sombrer dans le vulgaire ou le grossier.
Je vous remercie donc de votre proposition de collaboration à notre groupe : "des maux pour les mots", nous attendons vos suggestions.

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Antoinette Brouyaux, Bruxelles
Remarque sur : « permettez que quelquefois le corps nu d'un être humain puisse illustrer tel produit en rapport avec le corps! »
Il est vrai que l'on peut admettre ce point de vue, qu'on le partage ou non. Je vous avoue que moi, parfois, je trouve certaines photos de nus, hommes ou femmes, dans la pub, qui me plaisent. Une belle pub quoi.
Malheureusement il s'agit bien plus souvent de figures de femmes que d'hommes, c'est pourquoi, parfois on se réjouit de voir une belle pub d'homme à poil ! (Surtout et de préférence quand ils ne sont pas trop stéréotypés, ce qui est encore plus rare...) Maintenant, je suis sensible aux arguments selon lesquels l'affichage du corps nu, relevant de l'intimité, entraîne la dérive de marchandisation du corps, etc. Bref, c'est tout un débat.

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Eliane Crouzet, Nîmes
Réponse à Julie :
Le mot épouvantail actuellement, c'est " intégrisme ", ce fut " partageux ", communiste, fasciste, opportuniste, féministe, … Les médias ont à chaque nécessité inventé des " mots-prisons " qui amalgament des idées justes avec des choses massivement réprouvées, pas toujours à juste titre, contrairement à l'intégrisme.
Ce mot est associé à des atrocités, et soulève la répulsion, mais il fait référence aux islamistes et se double d'une bonne dose de racisme. Mais qui se soucie de l'intégrisme catholique qui sévit en France, et est beaucoup plus influent et pernicieux que l'intégrisme musulman ? Il est au gouvernement depuis les dernières élections, mais il avance masqué.
C'est SCANDALEUX de traiter d'intégristes celles et ceux qui se battent pour le droit des femmes à la dignité et au respect, car les principales victimes des intégrismes (qui soit dit en passant sont des religions, basées sur une adhésion inconditionnelle) sont, partout dans le monde, des femmes et des filles (tuées dès la naissance, mutilées, prostituées, lapidées, violées, tuées au travail, comme en Amérique du Sud , …)
Les intégristes, ce sont ceux qui intègrent aveuglément une idéologie, en l'occurrence ceux et celles qui hurlent avec les loups des médias, dont le souci n'est pas l'épanouissement des humains (femmes et hommes), mais le maintien du règne du fric et des privilèges. Leurs valets sont très grassement payés pour cela, et sont donc de zélés décerveleurs. Ne soyez pas leur complice bénévole.

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Patricia Pacitti, Lyon
Non Madame, au nom du respect de la dignité humaine, je ne peux pas partager votre "scandaleux" point de vue...
La nudité ne peut être exploitée à des fins mercantiles (pour faire vendre n'importe quel produit), et cela n'a rien à voir avec la beauté artistique. Si vous voulez absolument voir ou admirer du NU, je vous conseille d'aller faire un tour au Louvre, à Versailles ou dans n'importe quel autre château ou alors dans n'importe quelle galerie d'art.
Pour ma part, je trouve que c'est scandaleux de vouloir imposer la nudité des hommes et des femmes dans notre environnement quotidien, imposer ces images à des millions d'enfants n'est pas sans conséquence ! Un peu de pudeur et de respect pour les autres ne ferait pas de mal non plus !
Je n'arrive pas à comprendre ce qui vous choque dans les mots qui ont été utilisés pour répondre à l'appel de Monsieur Pierre Georges. "Verge" existe bien dans le vocabulaire de la langue française et il n'a rien de choquant ou de vulgaire ; c'est le terme qui est utilisé aussi en médecine...
Et bien Madame, je vous pose un défi : Allez donc interroger des hommes, des passants dans la rue qui auraient pu voir cette publicité incriminée, et demandez-leur ce qui est le plus choquant d'utiliser le mot "VERGE" ou montrer cette verge aux yeux de tout le monde ! A vous lire on pourrait croire que parce que la nudité est montrée, alors cela prouve que nous sommes libéré(e)s. Mais la libération n'a rien à voir avec la nudité ! ou alors vous pensez exactement comme les publicitaires. Selon eux : la nudité serait le symbole de pureté, de transparence, de libération du corps, etc...
La libération vient avant tout de l'esprit, et non dans notre paraître, et dans notre société capitaliste où tout nous est imposé dans le seul but de consommer et de surconsommer, je doute que nous soyons "libres"...
Vous dites : "Les générations arriveront vite, qui auront baigné dans une nouvelle culture et seront en quelque sorte vaccinées." Moi je pense qu'il y a du souci à se faire au contraire, nos enfants baignent littéralement dans la pornographie (à 12 ans, 1 enfant sur 2 a déjà vu un film porno). Vous pensez qu'il faut les vacciner pour ça aussi ? En adoptant la logique des publicitaires, vous faites de l'homme et de la femme des objets mercantiles, tout comme la pornographie...

Clara Dominguez, Paris

Au sujet de sa remarque suivante : "Les générations arriveront vite, qui auront baigné dans une nouvelle culture et seront en quelque sorte vaccinées." Quel optimisme de sa part, mais on a le droit de l'être après tout ! Que "ces générations" arrivent vite ou non, elles arriveront toujours trop tard pour nous. Il n'y a qu'une expression qui me vient à l'esprit lorsqu'on j'entends ce genre de remarques sur un futur - toujours lointain et qui ne sera plus le nôtre - à propos d'une société idéale où nous serons toutes et tous égaux : "Voleurs de vie" ! De quel droit gâche-t-on la vie des milliards de femmes qui vivent ici et maintenant ? De quel droit nous demande-t-on d'attendre ? De quel droit nous demander de patienter en pensant à l'avenir radieux de nos arrière-arrière-arrière-petites-filles ? De quel droit nous demande-t-on de faire comme si notre vie à nous ici et maintenant n'avait pas d'importance ? De quel droit nous demande-t-on de renoncer à une vie libre ?


RÉPONSE FINALE DE Julie Marannes

Madame,
Je vous remercie et vous félicite pour les assauts d'intelligence, de talent et de conviction des membres de la meute dont je partage largement le point de vue et l'analyse au fond.
Comme souvent, le malentendu est largement la véritable cause des discussions les plus vives.
Une réaction épidermique sur un mot qui, pour ma part, dans un journal tel Le Monde, "hic et nunc" oserais-je, me surprend -j'aurais préféré ici le neutre "sexe" tout simplement-, quelques maladresses d'une trop vieille féministe-le sens et la perception du temps qui passe ne sont plus les mêmes- et nous voila presque dans la polémique!
Ma longue vie frottée au machisme ordinaire, larvé ou agressif, aux comportements sans égards de mâles arrogants et éclairée par tant de justes révoltes des femmes, me paraît amplement justifier l'emploi du terme "révolution" et l'optimisme béat dont d'aucune me taxe ici et là.
Pour le reste j'aurais bien quelques commentaires sur le Beau en symbiose avec l'art publicitaire, mais je pense qu'il est raisonnable de briser là.
Merci encore pour votre attention et félicitations pour votre combat.
29 octobre 2002

Autres réflexions de La Meute
Dans la pub qui représente l'homme nu au sexe dévoilé, il n'y a pas obscénité, mais elle est perçue comme impudique par les mêmes enfants et donc gênante et perturbante.
A chaque fois que je soutiens les positions de La Meute, j'ai droit à un regard surpris, puis soupçonneux (tiens, serait-elle une mère-la-pudeur...) surpris car, en temps que libraire, je combats la censure. Il me faut donc expliquer que non, je ne tiens pas à affubler le "David "de Michel Ange d'une feuille de vigne; et que je n'imagine pas que l'on renvoie "l'Origine du monde" de Courbet dans les réserves du Musée d'Orsay, il me faut expliquer que ni l'un ni l'autre ne trouve leur origine dans un projet mercantile et que pour accéder à l'un et à l'autre il faut le décider, j'ai emmené mes enfants (des filles), à l'âge auquel j'ai pensé qu'elles étaient prêtes à aborder ces oeuvres, voir l'une et l'autre. Ce qui me choque c'est que ces images impudiques, et/ou obscènes, et/ou perverses , suivant la tendance du moment , soient imposées à tous les regards, y compris ceux des plus petits sans contrôle possible des adultes. Je me méfie de la tentation du "moralement correct" mais se pose le problème de l'éducation: comment apprendre à l'enfant le respect de lui-même et des autres avec pareil environnement? Peut-être faut-il rappeler aux annonceurs la responsabilité collective des adultes par rapport à l'ensemble de la jeunesse.
Françoise de Laporte, 5 décembre 2002

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