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Ras le bol des portemanteaux !


Lors de la dernière réunion de la meute parisienne, nous avons débattu du sujet des mannequins dangereusement maigres.

Voici la lettre que j'adresse, au nom de La Meute, au président de la Fédération française de la Couture, en réaction à l'une de ses déclarations.
Et si vous écriviez, vous aussi, en copiant ce que vous voulez de cette lettre, ou en vous en inspirant. Si vous employez d'autres arguments, prière de m'envoyer une copie par courriel, pour le site de La Meute !


à M. Didier Grumbach, président de la Fédération française de la Couture
100 rue du Faubourg Saint Honoré 75008 Paris

Monsieur,

Des mannequins trop maigres ont été empêchées par la région autonome de Madrid de participer aux défilés de mode du mois dernier. La ministre britannique Tessa Jowell a applaudi cette initiative, rappelant le danger de ces « images de beauté filiforme » pour la santé des jeunes filles. La ville de Milan a annoncé des mesures analogues.

Des organisateurs de défilés ont critiqué cette « discrimination ».
Vous-même avez déclaré, rapporte Le Monde du 21 septembre : « C'est au créateur de décider de quel type de mannequin il a besoin (...). Cela ne se réglemente pas », et vous avez ajouté que, si une telle mesure était prise en France, « tout le monde rigolerait ».

Tout le monde ?

Pas moi. Ni les membres de La Meute contre la publicité sexiste, réseau féministe, mixte et international (5 564 personnes et associations dans 56 pays) : nous avons décerné en 2005 le prix Femino d'argent à la campagne de Dove mettant en valeur la beauté de femmes des plus diverses.

Je ne vois pas ce qu'une éventuelle interdiction de mannequins décharnées pourrait avoir d'hilarant ; en revanche, je suis atterrée par la désinvolture de vos propos, qui confine à l'irresponsabilité. Où voyez-vous matière à rire ? Les couturiers auraient-ils tous les pouvoirs ?

Les mannequins des défilés de mode ne sont pas, comme les photos des publicités, des images à la silhouette affinée et aux jambes allongées par ordinateur. Ce sont des jeunes femmes souvent faméliques : celles qui pèsent moins de 56 kg et mesurent plus de 1,75 m (norme de l'OMS) prennent des risques graves pour leur santé.

Des déclaration comme les vôtres contribuent à renforcer une norme de beauté unique et impossible à atteindre. La Française moyenne pèse 62 kg et mesure 1,62 m (source : Institut français textile-habillement, 2006). Trop de femmes et de jeunes filles se ruinent la santé parce qu'elles croient que la maigreur, celle des mannequins-vedettes ou des images publicitaires, attire le regard, le désir, l'amour.

Monsieur, j'en ai assez de voir sur les podiums ces portemanteaux ambulants. J'en ai assez qu'on impose au grand public, que la télévision a rendu mondial, un formatage-maigreur des fantasmes de beauté féminine. J'en ai assez que des gens comme vous attaquent des mesures de bon sens avec l'arme, classique en France, du « ridicule qui tue ».

Je vous prie donc d'éviter de m'englober, moi et toutes les personnes ne supportant plus cette image imposée, dans votre « tout le monde ». Les questions de santé publique ne nous font pas rire.

« C'est au créateur de décider de quel type de mannequin il a besoin » : cette phrase me choque énormément pour les mannequins qui sont des femmes avant tout, avant d'être à votre service ou au service de vos créateurs. Jusqu'où vous donnez vous des droits sur elles ? L'argent, le pouvoir, les exigences de la mode, même, la richesse et la créativité des artistes... n'autorisent cependant pas tout. L'être humain et son intégrité restent des valeurs inaliénables et je vous serais gré de ne pas m'englober, dans ce rire total « du tout le monde » dont je ne suis pas. Il faut peut être apprendre, tout créateur de génie que l'on soit, à buter sur une limite, celle du droit de l'autre à exister aussi. Les femmes même mannequins, et certainement fières de défiler pour vos créations, ne sont néanmoins pas des espèces de bonzaïs !
Dominique Raffin, 17 octobre 2006

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