ManifesteAgirRéseauPublicitésDocumentsPrix

Prix Macho 2006


Le prix Macho 2006 a été décerné aux publicités les plus sexistes diffusées en 2005 dans un périodique francophone. Elles ont été choisies par un vote de la meute parisienne. Il y avait l’embarras du choix !

Ces publicités sont classées en trois catégories :

Clichés sexistes sur les femmes
Realtime
(chaîne de télévision)
Image. Sur fond d'un mur à carreaux de faïence, devant une panoplie de couteaux de cuisine, buste d'une jolie femme d'une trentaine d'années, rousse, maquillée, les ongles vernis, l'air hostile ; elle tient dans la main droite un attendrisseur à viande, et elle s'apprête à en frapper un morceau de viande rouge disposé sur un plan de travail.
Slogan : « Une féministe déclare : Maintenant je sais que ma place est dans la cuisine. »
Commentaire. Même pris au nième degré, ce ramassis de clichés ne nous fait pas rire.

Nana (protège-slips)
Image en noir et blanc. Dans une file d'attente, debout, un jeune homme lisant un journal, et une jeune femme souriante, proche de lui, le touchant presque.
Slogan, écrit entre leurs visages. « Rapprochez-vous, vous êtes en Nana. »
Commentaire. Comme si les femmes, et elles seules, sentaient mauvais ! Comme si elles avaient besoin, chaque jour et pas seulement en période de règles, de se « protéger » contre des « fuites » ! Encore une façon de les insécuriser et de les culpabiliser !

Regionsjob.com (site d'offres d'emploi)
Deux images équivalentes, l'une avec un jeune homme, l'autre avec une jeune femme, assis à un bureau, avec un ordinateur.
Slogan. Pour l'homme : « (…) j'ai trouvé le poste qui me convient (…) »
Pour la femme : « (…) j'ai pu suivre mon ami (…)
Commentaire. Le travail de la femme est présenté comme moins important que celui de l'homme.

Nudité ou sexualité sans rapport avec le produit
Leclerc (hypermarchés)
Image noir et blanc, traitée comme une ancienne photo de quotidien à grosse trame. Trois policiers portent une manifestante qui se débat ; ses mouvements ont fait remonter sa jupe, et on voit sa culotte blanche.
Slogan avec flèche vers la culotte et indication du prix. « Aujourd'hui, la lutte, c'est le pouvoir d'achat. »
Commentaire. Si une manifestante expose sa culotte par suite de la violence policière, certes, cela nous convainc de ne manifester qu'en pantalon, mais cela démontre surtout l'obscénité de cet annonceur qui se permet de minorer ainsi l'engagement politique d'une femme.

Comité martiniquais du tourisme
Image. Allongé sur le sable, un corps de femme en maillot de bain deux pièces, démesurément allongé et rétréci, si bien que les jambes représentent les trois quarts de la longueur. La tête est cachée par une fleur exotique blanche, démesurément grossie, avec un pistil proéminent.
Slogan : baratin sur le farniente.
Commentaire. Réduction de la femme à son corps monstrueusement déformé, allusion lourdingue à une verge en érection.

VK (téléphone portable)
Image. Buste d'une jeune et jolie femme portant une robe, yeux baissés. Sur le devant de la robe est pratiquée une large ouverture ronde entourée de brillants, et laissant voir ses seins. C'est le rappel de la forme de l'écran du téléphone portable.
Slogan : « Le plus glamour des téléphones… arrive en France ! »
Commentaire. Ils nous auront tout fait : associer un téléphone portable à des seins de femme, on n'avait pas encore vu ! Quel rapport entre les deux ?

Théâtre national de Toulouse (couverture du programme de l'année 2005-2006)
Image. Deux fillettes (poitrine plate), en culotte et maillot de corps, l'air grave, sur un champ de bataille. L'une est debout, la tête entourée d'avions de chasse, l'autre est à genoux avec sur l'épaule le très long canon d'une arme.
Slogan : « D'un œil, observer le monde extérieur. De l'autre, regarder au fond de soi-même. »
Commentaire. Prétexte « culturel » pour montrer des fillettes en tenue intime. S'agit-il de faire la guerre en petite culotte, ou de flatter des fantasmes pédosexuels ?

(voir ci-dessous, la réponse du responsable)

Violences, prostitution et pornographie
Thalys
(train)
Image. Une rue pavée, de nuit, mal éclairée par une lumière rouge, avec un renne dans une vitrine, exhibant ses cuisses, tandis qu'un homme ventru déguisé en père Noël s'apprête à entrer, les yeux cachés par des lunettes noires.
Slogan. « Cet hiver, visitez Amsterdam ! »
Commentaire. Un père Noël putanier, vous trouvez ça drôle ? Non à la banalisation de la prostitution par la SNCF !
action de La Meute, décembre 2005 + de nombreux autres commentaires

Afflelou (opticien)
Image. Un jeune homme enlaçant d'un bras une femme brune et de l'autre une blonde, tous trois déguisés en mariés et ne portant pas de lunettes.
Slogans : « Un peu trop Tchin-Tchin peut-être ? Vos secondes lunettes pour 1 Euro de plus. Dommage qu' Afflelou ne soit qu'opticien ! »
Commentaire. S'agit-il de promouvoir des lunettes à double foyer ?
La Meute dit NON à la polygamie !
(action octobre 2005 + de nombreux autres commentaires)

Diesel (vêtements)
Image. Un corps d'homme debout, nu et sans tête, musclé et bronzé. Il est chevauché par trois femmes dont on ne voit que les jambes ; elles sont chaussées de bottes à talons aiguilles qui se superposent sur les genoux, les fesses et le dos de l'homme.
Pas de slogan
Commentaire. Les images agressives de bottes à talons phalliques, et l'homme-objet sans tête sont-ils l'avenir de la publicité sexiste ?

S’il fallait n’en choisir qu’une…, ce serait celle de Thalys, qui banalise la prostitution, cette situation d'oppression dans laquelle une personne disposant du pouvoir de l'argent accède en payant au corps et au sexe d'une autre personne ne ressentant aucun désir.

**

Les membres de La Meute s’engagent à éviter d’acheter les produits ou les services vantés par des publicités sexistes.

La Meute invite les annonceurs ayant reçu le prix Macho 2006 à modifier l’esprit de leurs prochaines campagnes. Elle espère les voir figurer dans la liste des annonceurs dont les publicités seront sélectionnées en vue du prix Femino 2007.

À bons annonceurs, salut !

Réponse d'un responsable pour l'affiche du Théâtre national de Toulouse
J'ai reçu des réactions, parfois vives, à la suite de la parution de notre nouvelle affiche. Ce choix mérite donc sans doute une explication.
J'ai souhaité évoquer à travers elle l'iconographie soviétique des années trente, en écho notamment à la pièce que j'ai choisi de mettre en scène, Le Suicidé de N. Erdman, interdite par Staline en 1932. L'iconographie de cette époque aurait représenté des guerriers de l'Armée Rouge, muscles tendus, regards d'acier, volontés de fer. Ceux qui ont réalisé cette œuvre - le collectif russe AES+F - détournent délibérément l'idéologie guerrière du système soviétique, en remplaçant les soldats bottés et casqués par ces jeunes filles en tenue de gymnastique, pieds et têtes nus. L'image-slogan de l'époque soviétique vole en éclats. Où peut-on voir une armée dirigée par des fillettes ?
A la violence énigmatique du monde, ces artistes répondent par une énigme. Ils tentent, je crois, de défaire les slogans et clichés célébrant une manière unique de voir le monde, pour faire paraître un trouble, une inquiétude. Celle d'un paysage où rien ne semble plus tout à fait vrai, ni tout à fait réel - car le mensonge fait des ravages, celle d'un monde qui semble avoir perdu ses valeurs et repères, celle d'une époque, la nôtre.
Ces artistes mêlent la paix et la guerre, l'innocence et la vie, la tendresse et la violence. Et nous, nous ne savons que voir ou que lire, regardons l'affiche sans pouvoir la déchiffrer vraiment.
L'image a l'étrangeté d'un rêve - ou d'un cauchemar.
Reconnus internationalement dans de nombreuses expositions, ces artistes russes méritaient, me semble-t-il, d'être découverts à Toulouse. C'est chose faite. Mais chacun devant une œuvre d'art reste entièrement libre de ses réactions. Il n'y là aucune règle, aucune vérité.
Je vous remercie pour votre attention,
Très cordialement,
Jacques Nichet

Nous ne sommes pas convaincu-es. La Meute.

Retour à la page d’accueil.