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"À bas la pub !"

Articles de Gérard Biard commentant des publicités sexistes, publiés dans Charlie Hebdo depuis 1995 + nouvelle série à partir de 2009 (d'abord, les plus récents)

La muse de la vaisselle
Dans les années soixante, Moulinex libérait la femme. Aujourd'hui, Electrolux lui offre l'opportunité de libérer, en plus, sa créativité. Mais il est toujours question de faire la vaisselle. « La plus grande capacité de chargement pour une créativité sans limite », chante donc cette pub pour un lave-plats de haute technologie, qui permet aux ménagères modernes de laisser parler l'artiste qui sommeille derrière chaque préposée à la plonge.
Car, n'en doutons pas - en tout cas, les publicitaires en sont convaincus -, c'est bien devant un tas de vaisselle sale que, tel le peintre face à sa toile encore vierge, la femme s'exprime le mieux. Assiettes, couverts, casseroles, poêles constituent sa palette, l'évier ses couleurs, l'égouttoir son chevalet, la cuisine son musée. Pourquoi voudrait-on, au nom d'on ne sait quelles lubies féministes archaïques, la priver de cet instant où, enfin, elle peut oser être elle-même ?
Au-delà de son message social, cette annonce donne également une information précieuse à toutes celles qui postuleraient pour intégrer l'atelier design d'Electrolux. Elles savent en quoi consistera leur mission créatrice : laver les tasses à café après les réunions.
13 juillet 2010

Utérus et O'cédar
Assurément, c'est une femme moderne que nous présente cette publicité pour LG. Rien à voir avec la traditionnelle ménagère en blouse, fichu et gants Mappa. Svelte, la posture assurée, élégamment vêtue, avec quelque chose de Carla Bruni dans la silhouette, on la devine active et déterminée… Cette femme qui, de toute évidence, sait ce qu'elle veut, a fait un choix : elle fait le ménage - logique, puisqu'il s'agit d'une pub pour un aspirateur - et couve son œuf, représenté ici sous la forme d'un souriant bambin.
Certes, il y a d'autres éléments dans son décor. Mais ils sont à peine discernables. Même les ailerons de requins dans le sol, qui incarnent les poussières et impuretés qu'est censé traquer le magique « LG Kompressor Elite », sont aussi discrets que possible. La mise en scène de cette photo ne laisse planer aucun doute sur le message qu'elle entend délivrer. Elle ne met en évidence que trois acteurs, indissociables : la femme, puis l'aspirateur et l'enfant, qui la définissent.
« Est-ce un aspirateur… ou bien plus ? », interroge le slogan. Bien plus. Cette pub est une affiche électorale pour Christine Boutin. Il ne manque, oubli malencontreux du « créatif », qu'un petit crucifix en or, pendant délicatement au cou gracile de cette femme d'aujourd'hui, qui a compris que le bonheur est au foyer.
9 juin 2010

Shopping et tabou
Michel Onfray n'est pas le seul à s'attaquer à Freud. Il est rejoint dans sa croisade par les 3 suisses, qui s'essayent eux aussi à la déconstruction de la psychanalyse et réussissent, pour le coup, à se placer largement au-dessus des querelles de chapelles. Après avoir donné son avis éclairé sur la sexualité féminine (lire Charlie N° 928), le fripier par correspondance, avec le concours des créatifs de BETC Euro RSCG, se lance dans l'exploration de l'inconscient, toujours féminin - en langage publicitaire, ça s'appelle « avoir une cible » -, et découvre une thérapie révolutionnaire pour soigner psychoses, phobies et autres névroses : les emplettes.
« Une séance de psy 75 euros, un top à bretelles 19 euros ». Le diagnostic du docteur 3 suisses est tombé : le cerveau féminin n'est pas si compliqué que ça, il serait idiot d'aller gâcher de l'argent sur un divan, alors que la solution se trouve dans une cabine d'essayage. Mesdames, mesdemoiselles, cessez donc de faire les intéressantes, de croire que ce qui se passe dans votre tête de linotte exige qu'on y consacre au-delà de quelques secondes, soit le temps de taper un code de Carte bleue. Une dépression ? Oubliez votre psy et commandez plutôt une corde aux 3 suisses.
19 mai 2010

Du jeune avec du rance
Pour les 3 Suisses, marque synonyme de shopping ringard sur catalogue, le « challenge » était de taille : se « rajeunir », auprès d'une clientèle potentielle de jeunettes habituées à faire leurs courses par correspondance, via internet. Elle a donc confié à l'agence BETC Euro RSCG la tâche d'élaborer un discours moderne et dépoussiéré. C'est réussi. Certes, les trois filles sur l'affiche ont ce qu'il faut d'insolence pétillante pour séduire le « cœur de cible », mais le slogan se charge de remettre ces effrontées à leur juste place : « Notre point G il est dans la penderie ».
On ne saurait dire plus clairement que le plaisir féminin est une histoire de chiffons, et, plus généralement, d'argent. Messieurs, vous voulez faire jouir une femme, la voir chavirer, vous crier « encore, encore ! » ? Au lieu de la déshabiller, couvrez-la d'étoffes précieuses. Elle ne saura résister à la puissance de séduction de votre Carte bleue, car elle reste, en dépit des élucubrations féministes, un petit animal irrestiblement attiré par ce qui brille.
Cela étant, au-delà de l'imbécillité du discours, cette pub a le mérite de nous rappeler que, si la société évolue, le publicitaire croupit. Même quand il veut « faire moderne », il n'arrive pas à se décoller les neurones des clichés préhistoriques.
31 mars 2010

Travail, famille, emprunt
Qui ne pond pas n'est pas français. C'est le message qu'entend faire passer le gouvernement, via cette annonce parue dans toute la presse, à peine votée la loi de collectif budgétaire 2010 intaurant le déjà mythique Grand Emprunt. « La France investit dans son avenir », nous dit-on. Avenir symbolisé par une Marianne toute en pureté, enceinte jusqu'au bonnet phrygien, telle une Madonne visitée par le Saint-Esprit - lequel aurait pris pour l'occasion les traits non pas d'une colombe, mais d'un Sarkozy.
Dans le grand casting de la vie, le plus beau rôle féminin, c'est celui de mère. Le refrain traditionnaliste de la femme féconde et nourricière, qui ne saurait quitter le foyer car elle en est l'unique boussole, est classique et connaît, comme le dénonce à juste titre Élisabeth Badinter, un regain de légitimité. Jusqu'au cœur même de l'État, puisqu'ici, ce n'est plus uniquement la femme qui est réduite à la fonction d'utérus, mais toute la République. Au-delà d'un symbolisme tellement sucré qu'il donne des caries aux yeux, les laïcs, les féministes et, plus généralement, tous les citoyens soucieux des principes républicains, sont en droit de s'inquiéter de cette exaltation d'une Marianne qui a tout du croisement entre la Vierge Marie et la fée des confitures.
24 fév. 2010

Vieille tambouille
Fotolia, c'est une banque d'images et de photos libres de droits sur internet, qui s'adresse avant tout à des « professionnels », c'est-à-dire à des agences de pub ou de communication fauchées ou radines, désireuses de monter une campagne à peu de frais. Pourquoi pas. Cette annonce, parue dans la revue corporative CB News, proclame donc que Fotolia offre des « recettes créatives à partir de 1 euro », illustration à l'appui : une ménagère en tablier, fouet en main et bigoudis sur la tête. Des recettes, peut-être, mais créatives, c'est moins flagrant.
D'abord, l'association entre l'accroche et le visuel fait pitié. Ensuite, il y a belle lurette que l'image de la femme réduite à son « rôle » domestique fait partie du code génétique de la publicité et apparaît, de front ou en sous texte, dans un gros paquet de campagnes. En guise de création culinaire, Fotolia sert à ses clients potentiels un vieux ragout maintes fois réchauffé. Le pire, c'est que beaucoup d'entre eux sont capables de trouver ça bon, et qu'ils recycleront à leur tour, dans brochures et journaux, cette infâme ragougnasse.
3 février 2010

Le Cantal, c'est létal
« Chantal, t'as pas oublié le cantal ? », demande Monsieur. Et Chantal répond « Euh… ». Car Chantal est un peu conne. Évidemment, Chantal a oublié le cantal. Du coup, Chantal prend une mandale. Plus exactement, elle est larguée au bord de la route avec tout son fourbi ou balancée au bout d'une corde en pleine montagne, ça dépend du spot.
Cette campagne, finement intitulée « Oublier le cantal, ça peut être fatal ! », est déclinée en trois films, visibles sur le site dédié audit fromage, mais aussi diffusés à la télévision. Pour peu qu'ils passent juste après le JT et que l'actualité du jour soit marquée par un drame familial sur fond de femme battue, ces spots risquent de prendre tout leur sens.
Les Chiennes de garde, qui dénoncent cette campagne, rapellent que tous les jours, en France, des femmes ramassent des coups de pied dans le ventre parce que, justement, elles ont oublié le cantal, ou le pain, ou rien. Tous les deux jours, l'une d'elles en meurt. Que des publicitaires fassent semblant de l'ignorer et considèrent que la violence conjugale est un excellent ressort comique, c'est immonde, mais guère surprenant. En revanche, que cette « initiative », pour reprendre le terme du site, soit soutenue par les pouvoirs publics (gouvernement, Union europénnee, conseil régional d'Auvergne, département du Cantal), c'est franchement scandaleux.
Lors du dernier remaniement, le secrétariat au Droit des femmes s'est retrouvé dilué dans celui de la Famille. Tel que c'est parti, il faut s'attendre à ce que la prochaine fois, le sort des femmes soit placé sous la compétence du ministère de l'Agriculture.
Charlie-Hebdo, 21 octobre 2009

Dépistage 95 C
Les bonnes causes n'empêchent pas les mauvais arguments. À première vue, cette affiche annonçant qu'Estelle Lefébure s'engage, avec neuf autres personnalités, pour une politique de dépistage systématique du cancer du sein sert une bonne cause. Sauf que le mannequin et ses neuf copines se retrouvent, par la magie des grosses ficelles pubardes, dans une situation où, au lieu d'affirmer leur engagement, elles vendent leurs nichons dans Marie-Claire.
En reprenant à l'identique sa campagne à base de poitrines dévoilées, mais cette fois célèbres et non plus anonymes, l'association « Le cancer du sein, parlons-en » envoie un message qui n'a plus grand chose à voir avec la bataille qu'elle mène. Un message qui dit : fini les doudounes inconnues, on vous offre les seins nus d'Estelle Lefébure, de Rachida Brakni, de Sophie Davant, de Mathilda May, d'Elsa Zylberstein… Achetez Marie-Claire, ils seront moins flous que dans Voici.
Bref, il ne s'agit pas de promouvoir une cause, mais de vendre de « l'exclusif » dans un magazine. Et que ledit magazine soit partenaire-fondateur de l'association ne change rien à la teneur de cette campagne qui prouve, une fois de plus, que les rouages de la mécanique publicitaire sont idéalement conçus pour broyer les meilleurs sentiments.
Charlie-Hebdo, 23 septembre 2009

série précédente
La morale se relâche 19/04/1995
Curieux. On aurait pu croire que cette affiche, avec une superbe fille noire à poil, déclencherait les foudres des croisés de la vertu, et que le rocher Suchard rejoindrait Harcèlement et Prêt-à-porter au pilori. Rien, pas un froncement de sourcil, pas un murmure d'indignation, même pas un bruissement de feuille de vigne pour lui cacher la foufoune... Qu'est-ce qui se passe ? Les associations familiales n'ont plus peur que leurs petites têtes forcément blondes se tirent sur la quéquette ? Avec les mains pleines de chocolat, en plus ? Et l'A.G.R.I.F., elle n'est pas outrée que le nom du Tout-Puissant soit associé à une créature du Démon ? Auraient-ils la trouille de s'attaquer à Suchard ? Ou, plus simplement, est-ce que ces gardiens des valeurs catholiques et françaises ne seraient pas, au fond, un tout petit peu d'accord avec le slogan :’C'est une épreuve que le ciel nous envoie’? Sauf qu'eux ne pensent pas au rocher, mais à la négresse.
P.-S. : Cela dit, assimiler une femme, noire, à une friandise sexuelle, il faut être publicitaire pour trouver ça fin.

Travail, famille, nature 28/06/1995
C'est beau, la nature. Et comme ça se vend bien, la pub l'assaisonne à toutes les sauces, en entretenant soigneusement la confusion entre ’naturel’ et ’écologique’. Le marchand de yaourts BA fait donc campagne sur le thème ’nature’. Premier mouvement, le spot télé, qui explique qu'une envie de BA, c'est comme une envie de pisser : irrépressible. On y voit un petit garçon piquer ’naturellement’ son pot de yaourt à une petite fille. Slogan : ’Une envie de BA, ça ne s'explique pas.’Et la supériorité du mâle sur la femelle non plus ; c'est comme l'envie de pisser du début, c'est la ’nature’, il faut que ça se fasse. Second mouvement, les affiches : une femme assise dans l'herbe, enceinte jusqu'aux sourcils. Les dames sont prévenues, leur état ’naturel’, c'est d'être pleines, pas d'aller bosser. Colette Codaccioni, notre ministre de la Famille rangée, des Hommes au boulot et des Pondeuses à la maison, sait désormais à qui s'adresser lorsqu'elle aura besoin de conseillers en communication.

La femme soumise est l'avenir de Vania 02/08/1995
Malgré notre appel, les serviettes hygiéniques Vania ne sont toujours pas boycottées, puisqu'on voit toujours la pub à la télé ! Alors on en remet une couche !
‘On ne respecte jamais assez celle qui donne la vie.’ Ça pourrait être la devise gravée au-dessus de la porte du bureau de Colette Codaccioni... Outre qu'il est complètement idiot, puisqu'il vante un produit en faisant référence au seul moment où on est sûr de ne pas en avoir besoin, ce slogan, digne d'un commando anti-I.V.G., qui réduit la femme à n'être qu'une matrice, sous-entend deux choses. La première, c'est que celle qui refuse de donner la vie, c'est-à-dire qui choisit d'avorter, n'est pas respectable ; ce n'est qu'une roulure qu'il faut noyer dans l'eau bénite ou dans l'eau de vaisselle, au choix. La seconde, c'est qu'une femme n'est respectable qu'en cloque. Tant que le fruit béni de nos roubignoles n'est pas à l'intérieur, on peut lui donner des coups de pied dans le ventre. Et alors, les féministes, vous dormez, ou quoi ?

Paic : la vaisselle est le propre de la femme 30/08/1995
C'est la fin du repas, les hommes allument un clope, les femmes emportent les assiettes sales à la cuisine et enfilent leurs gants Mapa. Stop ! ’Avec le nouveau Paic, ce sont les hommes qui font la vaisselle.’ Ils frottent de la graisse, grattent les reliefs de bouffe séchée, comme bobonne ? Ils n'ont pas peur de bousculer la tradition, de contrevenir à un code génétique ? Mais non, puisqu'il n'y a rien à foutre : juste mettre du produit et rincer. Ah, bon ! Seulement, c'est bien beau de faire la vaisselle à leur place, ’mais pendant ce temps-là, qu'est-ce qu'elles vont faire, les femmes ?’, demande l'acteur le plus éveillé du spot. C'est vrai, qu'est-ce que ça peut bien faire, une femme, quand ça ne fait pas la vaisselle ? Réponse : ça joue aux boules, comme les hommes. Rire du publicitaire, qui a trouvé la chute. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais un rire de publicitaire me fait le même effet qu'une roulette de dentiste sur une dent cariée.

Un lave-vaisselle avec du poil autour 18/10/1995
Vous avez un évier ? Jetez-le, c'est dépassé. C'est en gros ce que nous conseille de faire la ’Collective du lave-vaisselle’, qui entre en guerre ouverte contre l'‘Amicale des gants Mappa’ au travers d'une campagne de pub où il nous est clairement signifié : c'est le lave-vaisselle ou la bougie ! En quelques spots télé très sobres, qui font pour la plupart appel à des thèmes ’porteurs’- l'écologie, l'énergie, le bruit -, on nous explique que la machine remplace avantageusement l'homme. Enfin, surtout la femme : ’Ne dites pas qu'un lave-vaisselle ne rentrerait pas dans votre cuisine. Votre femme y entre bien, elle, non ?’ Rires assurés aux ’Grosses Têtes’ et aux banquets du Front national... Moi aussi j'ai une blague, destinée aux femmes des publicitaires de l'agence Alice, qui a signé cette campagne. Quand votre mari est en rut et vous serre de trop près, répondez-lui : ’Désolée, mon chéri, ce soir, tu fais ta vaisselle à la main.’

La lettre d'Ajax aux femmes 31/01/1996
Toc, toc, font les copines à la vitre, viens te promener avec nous, il fait beau, on va s'éclater. Non, non, fait la ménagère, je dois laver ma cuisine, je n'ai pas le temps. Qu'elle est bête, font les copines en brandissant le nouvel Ajax qui dégraisse plus vite que son ombre, on va t'aider. Tralala, fait toute la troupe en passant la serpillière. Pouf, pouf, fait bobonne, bien contente de pouvoir participer au jogging des copines, avec la satisfaction du ménage accompli... Tiens, fait le pape devant sa télé, voilà des publicitaires à qui je pourrais demander d'illustrer ma lettre aux pétasses. Ils ont la même conception du féminisme que moi, l'obsession du cul en moins : hors des gants Mapa, point de salut. La femme est bien sûr libre de quitter sa cuisine pour s'amuser un peu, mais à condition qu'elle ait fini la vaisselle et qu'elle soit rentrée à l'heure pour faire la soupe. En vérité, la pub vous le dit, elle est la plus noble conquête de l'homme... après l'aspirateur.

Le Crédit agricole, la banque qui drague pour vous 17/04/1996
La semaine dernière, je vous avais choisi une pub qui disait combien les femmes sont attirées par tout ce qui brille. Restons dans le même esprit avec le Crédit agricole, qui affirme, lui, que ces dames sont vénales. Soit deux jeunes hommes qui partagent une chambre de bonne. L'un plutôt beau gosse, sportif, mais fauché ; l'autre moche, rouquin, binoclard, les oreilles décollées, mais heureux possesseur d'un livret ’Mosaïc’, ce qui lui donne droit à une carte de crédit, des places réduites de ciné, des CD, des voyages... Dans un sitcom, c'est ’gueule d'amour’ qui sortirait avec la jolie blonde. Manque de bol pour lui, on est dans une pub pour une banque. Ce sont donc ’gueule de raie’ et son chéquier qui embarquent la mignonne. Dans le monde merveilleux du Crédit agricole, non seulement l'argent ouvre toutes les portes, mais il ouvre aussi toutes les cuisses. Le fantasme du yuppie libéral qui n'a pas le temps de discuter.

Vittel : buvez, collaborez 15/05/1996
Nouvelle campagne d'affichage pour Vittel, la flotte ’pour les athlètes du quotidien’. On y voit des gens s'adonner sportivement à leur activité quotidienne : un garçon de café s'entraîne au lancer de plateau façon discobole, un écolier se sert de sa règle comme d'une batte de base-ball, une fille pose avec sa planche de surf sous le bras... Stop ! En y regardant de plus près, on s'aperçoit que l'objet a des pieds, et qu'il s'agit en fait d'une planche à repasser. Conclusion, l'activité quotidienne féminine typique, c'est le repassage. Encore une agence de pub qui participe activement au concours de la plus belle illustration du slogan ’Travail, famille, patrie’. Et comme du boulot, il n'y en a pas pour tout le monde, pour les femmes ce sera ’famille, pattemouille’. Mais, après tout, ne soyons pas plus royalistes que de Villiers : dans l'équipe de fins ’créatifs’ qui ont pondu cette campagne et qui en sont fiers, il n'y a sûrement pas que des mecs... Et pendant que ces dames font de la réclame, leurs maris sont peut-être obligés d'aller au bureau avec des chemises pas repassées...

Hollywood, la fraîcheur avec du poil autour 24/07/1996
Désolé les filles, mais si vous n'avez pas le physique de Claudia Schiffer, inutile de songer à trouver du boulot ; ou alors avec bac + 12, à la rigueur... Le slogan de la dernière pub de Hollywood chewing-gum ne laisse planer aucun doute à ce sujet : ’Mâcher Hollywood sans sucre vous promet à un bel avenir. Même sans diplômes’, nous explique-t-on, alors qu'une blonde aux mensurations standard prend une pose de mannequin. Cela signifie-t-il que, chez Hollywood, les entretiens d'embauche se déroulent non pas dans un bureau, mais sur un bureau, voire sous ? En tout cas, le message est clair : mesdemoiselles, ne vous fatiguez pas à faire des études. Vous ne croyez tout de même pas qu'on va vous engager pour votre cerveau, avec tous ces chômeurs qui attendent à la porte et qu'on peut asservir à merci ? Soyez réalistes. C'est-à-dire minces, jolies et disponibles. Ainsi, on pourra appliquer la parité hommes-femmes dans les entreprises : les hommes esclaves, et les femmes danseuses nues.

Une bonne lessive, et au lit ! 14/08/1996
L'objet culte de l'homme, du vrai, celui qui, sur la plage, a un peigne en corozo qui dépasse du slip en lamé, c'est la bagnole. Ça, on le sait depuis longtemps. C'est un lieu commun aussi vieux que la pub. Ce qu'on ne connaissait pas, en revanche, c'est l'objet culte de la femme. Thomson nous donne la réponse : le lave-linge. ’Votre lave-linge devrait avoir une ouverture aussi grande que celle d'une voiture’, affirme une pin-up juchée sur un bolide genre James Bond première époque. Cette comparaison entre un symbole de séduction et un appareil ménager est peut-être un peu abrupte, mais elle a le mérite de délivrer un message limpide. Petit oubli : sur la photo du lave-linge, il n'y a pas de play-boy. Il doit être parti au bistrot... Mais n'ayez crainte, les filles, avec votre machine à laver Thomson vous serez aussi irrésistibles que le beau mec en Aston-Martin. Vous tomberez autant de machos qu'il emballe de pétasses. Et si, en plus, vous avez un fer à repasser GTI et un aspirateur avec des jantes en alliage, c'est l'hécatombe assurée.

Casanova avait un cheval Citroën 04/09/1996
Ne faites pas comme le pauvre type du dernier spot pour Citroën, qui drague une fille avec une vieille bagnole : c'est l'échec assuré. Il a beau l'emmener dans un restaurant dix étoiles et lui faire entrevoir des nuits sans fin, tout s'écroule quand il veut la raccompagner dans son tacot. ’Ne gâchez pas une belle histoire à cause d'une vieille voiture.’ Car, voyez-vous, même si vous êtes le plus séduisant des hommes, intelligent, fin baiseur, plein d'humour, sportif, balladurien, les femmes vous prendront toujours pour un ringard si vous avez une bagnole de plus de six mois. En revanche, quand bien même seriez-vous le plus laid des nabots, tous les mannequins seront à vos pieds grâce au dernier modèle de chez Citroën... Mais quelle enfance ont-ils eue, tous ces publicitaires, pour mépriser les femmes à ce point ? Ils ont tous été élevés par Jackie Sardou, ou quoi ? À moins qu'ils ne soient effectivement de bonne foi et qu'ils n'aient jamais rencontré que des connes. Mais quelle idée, aussi, de ne draguer que des filles qui bossent dans la pub !

À nos femmes, à nos ballons, et à ceux qui les gonflent ! 25/09/1996
C'est une superbe et pulpeuse créature, moulée dans une robe du soir, les bras gantés de satin noir. Classe. Peut-être même ressemble-t-elle à Rita Hayworth dans Gilda... Mais on ne voit pas son visage : quelqu'un l'a coiffée avec un plat de spaghetti, ce qui lui donne l'allure d'un balai O'Cédar en tenue de soirée. Qui a osé ? Le slogan nous donne la réponse : ’On ne dérange pas un homme qui joue au Loto sportif.’ Pigé, mesdames ? D'abord, ce n'est pas la peine de sortir le grand jeu de la séduction si vous n'êtes pas foutues de cuisiner autre chose que des nouilles. Ensuite, fourrez-vous bien dans le crâne que c'est l'homme qui décide où et quand il pénètre dans la surface de réparation. Et ce n'est sûrement pas au moment où il fait du sport sur grille. C'est dur à avouer, mais on est d'accord avec le message de cette pub : les supporteurs sont des ruminants vulgaires et brutaux, bêtes à voter Front national. Ce qui nous console, c'est que, encore une fois, les publicitaires sont de leur côté.

Fiat Punto : moins un crétin a de cerveau, plus il fait de pub 21/05/1997
Les Italiens sont machos, les Français sont râleurs, les Anglais sont coincés, les Africains sont noirs... Les connaissances ethnologiques des publicitaires ne vont pas plus loin. Pour eux, Claude Lévi-Strauss, c'est le P-DG pour la France d'une grande marque de jeans. Aussi, quand on leur demande de faire de la réclame pour Fiat, ils pensent illico main aux fesses et peigne dans le slip de bain. Et ils accouchent en toute logique de cette envahissante campagne pour la Fiat Punto, qu'on peut voir en ce moment sur tous les murs de France. Affiche numéro un : ’Plus une femme a du charme, plus elle a une Punto.’ Affiche numéro deux : ’Plus un homme a du caractère, plus il a une Punto.’ Il aurait été plus franc d'écrire : la femmes a des seins, l'homme a des couilles. Confrontés à un problème, madame couche avec, monsieur lui fout son poing dans la gueule. Et ils s'en vont tous deux vers le soleil couchant, elle dans sa Punto qui tortille du cul, lui au volant de son bolide turbo qu'a des cylindres gros comme ça. C'est fou ce que la vie est simple, pour les publicitaires...
o Agence : DMB & B.

Fuji, l'appareil photo qui bande 16/07/1997
Les publicitaires aiment bien les associations d'idées. Surtout les associations. Ainsi, beaucoup pensent que l'été, c'est ’sexe’. Voici donc, pour les vacances, une campagne d'affichage très chaude sur le thème des femmes qui violent les hommes. Le produit : une gamme de pelloches et d'appareils photo. Sur les affiches, des femmes, toutes plus fatales les unes que les autres. Depuis la ’maîtresse’ à qui il faut obéir ’au doigt et à l'œil’, jusqu'à celle qui ’les jette quand ils ont tout donné’. Il s'agit, vous l'aurez deviné, d'appareils photo jetables. Humour. Le pompon revient à cette jeune fille en maillot deux pièces, assise, les jambes largement écartées, qui regarde effrontément le quidam en lui lançant un facétieux : ’Alors, messieurs, quand est-ce que votre petit oiseau va sortir?’ Un sommet de bon goût.
On ne sait pas trop quelles études il faut faire pour être créatif dans la pub, mais on peut vous refiler un tuyau infaillible pour réussir l'examen : à la question ’quel est le féminin de Don Juan?’, il faut répondre ’salope’.
Agence : Euro RSCC Scher Lafarge

Mieux qu'une femme : une Golf 04/02/1998
La nouvelle Golf est arrivée. Et avec elle, un scoop de taille : la femme rouille. Ce sont les créatifs de l'agence DDB qui le disent. ’Parce que chaque jour nous déplorons les effets du temps [...], la nouvelle Golf est garantie douze ans anticorrosion. Les femmes n'ont pas fini d'être jalouses !’ Ce que confirme la jolie créature qui étale son sourire sur l'affiche : ’Douze ans de garantie anticorrosion. J'aimerais pouvoir en dire autant !’ Avant, dans l'imaginaire de la pub, la bagnole servait à draguer les filles. Maintenant, elle les remplace. Avantageusement, grâce à son traitement antirouille, qui la conserve ’belle comme au premier jour’. Tandis que la jeune pucelle que vous aurez achetée à prix d'or se transformera au fil des ans en vieux tas rongé par l'oxydation. Du moins, si l'on en croit le message délivré par cette campagne. Mesdames, une seule solution : foncez chez Bricorama et payez-vous un pot de peinture antirouille. Et quand vous croisez un publicitaire, balancez-lui tout le contenu dans la gueule. S'il râle, dites-lui que, vous aussi, vous faites de l'humour.

Les grosses têtes de la pub 15/07/1998
Ça aurait pu être une blague des ’Grosses Têtes’. Raté, c'est une pub pour la décidément très inspirée chaîne de télé Eurosport. ’Quel est le féminin de ’assis devant Eurosport ?’ Réponse : ’Debout dans la cuisine...’ Illustration de la première partie de la devinette : un téléspectateur ahuri, en train de se mordre les lèvres, vraisemblablement en train de suivre un match quelconque. Pour la suite, on est prié de retourner l'affiche, afin de se délecter du gag de la fille pas contente du tout, ’debout dans la cuisine’, en train de tartiner des sandwiches. La femme idéale, telle qu'on la chante autour des comptoirs, tout en trinquant avec les copains : toujours de mauvaise humeur, mais toujours d'attaque pour faire le service. On imagine l'ambiance dans les bureaux des créatifs de l'agence Euro RSCG Scher Lafarge. Il a dû en circuler, des traits d'esprit du même tonneau, avant qu'ils ne trouvent la blague idéale, la plus ’second degré’. Il ne devait pas faire bon être une femme, au cours de ces ’brain stormings’. Les mains aux fesses devaient voler aussi bas que le niveau. Tas de beaufs !...

Sois belle et frotte 09/09/1998
À de très rares exceptions près, la femme dans la pub n'a que deux choix : elle est soit ménagère, soit mannequin. La vaisselle ou la séduction. Les publicitaires de l'agence Young et Rubicam innovent un max, et nous proposent un savant composé de ces deux tendances. Grâce au lave-vaisselle Brandt, madame peut être coquette tout en accomplissant son devoir. ’Une femme est plus jolie avec un lave-vaisselle Brandt’, apprend-on, tandis que l'affiche nous montre une très sophistiquée ménagère en train de se refaire une beauté, en se mirant dans l'éclat impeccable d'une cuillère à soupe. Désormais, les femmes n'auront plus d'excuse pour tenter d'échapper aux tâches qui leur incombent naturellement. Finis les ’chéri, fais la vaisselle pendant que je me maquille, sinon on va arriver en retard à la Nuit des publivores’... Sous des dehors anodins, cette campagne parvient à invoquer dans un même ’concept’ les deux divinités préférées des publicitaires : Bobonne, la déesse des assiettes propres, et Vénus, la déesse des soirées réussies. On attend l'aspirateur-sèche-cheveux et le fer à repasser-épilateur.

Que choisir ? 16/09/1998
On aurait tort de croire, au vu des innombrables réclames qui font appel au concept vieillot mais toujours porteur de la ’femme-objet’, que les publicitaires méprisent la gent féminine. Bien au contraire. Ils la placent au niveau de ce qui existe de plus précieux à leurs yeux : le bien de consommation. Partant de ce principe, il convient d'être extrêmement vigilant, car elle peut présenter des vices de fabrication, voire carrément tomber en panne. C'est bien connu, on ne construit plus comme dans le temps... Mieux vaut donc s'adresser à un spécialiste et ne pas commettre l'erreur de cet homme souriant et décontracté, qui nous confie qu'il a ’changé 4 fois de téléviseur, 3 fois de voiture, 2 fois de femme, mais [...] jamais changé [sa] chaudière Junkers’. Malheureusement, il ne nous précise pas s'il a changé de femme parce que la première était usée ou parce qu'elle consommait trop. Qu'importe, la leçon est universelle : messieurs, avant de choisir une compagne, n'oubliez pas de lui tâter la croupe et de vérifier sa denture... Cette pub de maquignon est parue dans un magazine belge, Je sais construire. Le type qui a lancé la mode des histoires belges avait dû bouffer la veille avec un publicitaire bruxellois.

50 F la pub, 100 F l'amour 07/10/1998
Regardez bien ses yeux : cette fille a quelque chose derrière la tête. On pige quoi en lisant l'accroche de l'affiche : ’Maintenant que Paul peut offrir son billet prime à la personne de son choix, il n'y a plus qu'à devenir la personne de son choix.’ Le ’billet prime’, c'est un billet gratos pour un trajet sur Air France.
En gros, la fille lorgne sur Paul, non pas parce qu'il est beau mec, ni parce qu'il lui plaît, mais tout simplement pour se faire entretenir. Dans la tronche remplie de slogans lapidaires et de ’concepts’ du publicitaire, la femme est et restera pour l'éternité une intrigante intéressée. Une vénale. Donc une pute. Sauf maman, qui, elle, lave le linge et fait la vaisselle.
Pour les Séguéla juniors, il suffit d'agiter un billet de banque - ou d'avion - sous le nez d'une fille pour qu'elle accoure en faisant la belle. Une conception de la séduction et des relations humaines tout à fait en rapport avec ce que sont au fond les publicitaires : les ultimes miettes rassises des années 80. Les ’années de la gagne’, où le simple fait d'écraser la gueule du voisin était censé vous rendre heureux.

Montrez ce sein qui va faire parler de nous 21/10/1998
Voilà de la vraie et belle pub de faux-cul. On pourrait s'étonner du fait que cette campagne d'affichage pour les soutiens-gorge Variance, logiquement destinée aux femmes, s'adresse surtout aux hommes. Faire remarquer que les consommateurs susceptibles d'être accrochés par le ’message’- à savoir un échantillon de paire de doudounes en quatre mètres sur trois -, en principe, n'achèteront pas le produit. Rares sont les mecs qui mettent un soutien-gorge. Mais tout cela est normal. Ce n'est pas l'affiche qui est censée faire vendre, mais les réactions qu'elle va sans doute provoquer. Les féministes vont monter au créneau et se plaindre à juste titre que cette pub donne une image de la femme quelque peu réductrice - des seins et pas de tête. Et on peut compter sur les ligues cathos et familiales pour gueuler à l'atteinte aux bonnes mœurs. C'est le but : plus on râlera, mieux ce sera. La marque va se retrouver parée d'un petit parfum de scandale délicieusement porteur. À moins que les consommatrices décident de boycotter la lingerie Variance, par mesure de rétorsion. Histoire de faire comprendre une fois pour toutes aux publicitaires et aux marques qui les sponsorisent qu'elles ne sont pas celles qu'ils croient.
o Agence Wolkoff et Arnodin

Maximum respect 28/10/1998
La semaine dernière, à propos de la campagne de pub Variance, je prédisais que les associations féministes allaient gueuler. Ça n'a pas raté : elles ont inondé de lettres de protestation le fabricant de soutiens-gorge pour hommes. La direction de Variance leur a répondu. Par une lettre-type, non signée, justifiant dans une langue de bois d'expert en ’com' la ’philosophie de la marque’. Voici la reproduction du début de cette bafouille pitoyable, qui s'adresse, rappelons-le, à des femmes, et où il n'est question que du respect que la direction de Variance leur porte.
Florence Montreynaud, responsable du ’Prix de l'Association des femmes journalistes à la pub la moins sexiste’- ça doit être du boulot à trouver - et par ailleurs destinataire de cette missive, nous a confirmé que ce n'est pas une erreur isolée : ’toutes mes copines ont reçu la même’...
Au service ’communication’de Variance, on reconnaît pudiquement que c'est ’maladroit’. Machos, et même pas foutus d'assumer leurs balloches protubérantes.

Citroën : l'utilitaire avec du poil autour 04/11/1998
C'est ce qu'on appelle un spot comique. Il est blond, jeune, musclé et plombier. En toute logique publicitaire, la ménagère chez qui il répare l'évier rêve de lui empoigner la clef à molette. Mais le bel éphèbe est chaste. Et surtout, il la trouve moche. Donc il s'enfuit. Manque de bol, sa camionnette refuse de démarrer et la nymphomane le rejoint, les cheveux ébouriffés et la libido en feu...’Il est parfois utile de pouvoir compter sur son utilitaire’, fait finement observer la voix off, avant de vanter les mérites du Berlingo Citroën. Gag final : le plombier fait pousser son tacot par la ménagère, qui, contre toute attente, sait se rendre utile. Succès assuré à la ’Nuit des publivores’. Dans la pub, l'automobile et la femme sont des objets indissociables, qui se décomposent en deux catégories. Il y a la bagnole-plaisir, très sexe, et la gonzesse qui va avec : généralement, elle a la tronche de Claudia Schiffer, et on la suppose aussi moelleuse que les sièges-couchettes du bolide dont elle fait la promo. Et puis il y a l'utilitaire. Sur quatre roues et sur deux jambes.
Pour résumer, il y a la femme qu'on baise et la femme qu'on exploite. Et il y a la femme qui bosse dans la pub, qui reste un mystère.

Connerie gratuite 25/11/1998
Pour cette annonce, le publicitaire avait le choix. Il n'était pas obligé de montrer, au troisième stade de l'‘évolution’, une femme enceinte. Le message aurait été identique : le lave-linge Miele, c'est le progrès. En décidant d'utiliser l'image de la future maman, l'agence Callegari Berville introduit volontairement un second niveau de lecture. En plus du produit, l'affiche présente les deux fonctions ’naturelles’ de la femme : laver le linge et pondre des œufs. Et sous-entend qu'elle n'a droit au confort que quand elle est sur le point de donner une descendance à son mec. Après, elle peut retourner battre le linge à quatre pattes.
Décidément, les publicitaires sont incorrigibles. Même quand ils ne sont pas obligés d'être malfaisants, c'est plus fort qu'eux...

Y'a bon MLF 13:07:1999
La parité est dans l'air du temps. Dans ce spot pour le nouveau Mr Propre, les publicitaires ne se privent pas de transformer cette idée en ’concept’ et de l'accommoder aux recettes traditionnelles. En gardant, bien sûr, leurs vieux réflexes.
La situation est ultra-classique : Madame doit décrasser sa cuisine. Comme il est de bon matin, ça ne l'enchante guère. Arrive Monsieur, lui aussi tout juste sauté du lit, qui lui propose de faire le boulot pendant qu'elle prend son bain. Madame ne se le fait pas dire deux fois et file piquer une tête dans la baignoire. Quand elle revient, le mari idéal, grâce à Mr Propre, a transformé la cuisine en palais des Mille et une nuits. Et une voix off s'exclame : ’Vous lui avez fait quoi, pour qu'il vous gâte autant?’
Voilà qui sous-entend deux choses : premièrement, quand un mari partage les corvées avec sa femme, il la ’gâte’. Ce n'est pas une attitude normale. Deuxièmement, pour mériter pareille faveur, encore une fois exceptionnelle, la femme a dû être très, très gentille.
Les publicitaires devraient s'abstenir d'essayer de jouer les féministes, c'est encore pire que quand ils sont franchement machos. Ils ont beau tortiller leur ’créativité’ dans tous les sens, la forme n'arrive pas à cacher le fond. C'est plus fort qu'eux, ils ont une main au cul dans la tête.

Esprit féminin 25:08:1999
Il ne faut pas confondre presse féminine et presse féministe. C'est idiot, mais les deux genres sont généralement incompatibles. Preuve, cette pub pour la ligne de beauté Bourgeois, parue dans Elle. Nous avons un opuscule, intitulé ’Petit manuel de magie à l'usage des filles qui veulent être encore plus jolies’, à l'intérieur duquel on trouve des recettes pour, par exemple, ’transformer la femme en geisha, petite fleur sauvage et fragile à la fois’. A côté de ce manuel indispensable à toute femme désireuse de satisfaire les plus crétins des fantasmes machos, un petit dessin, où l'on voit une midinette s'exclamer : ’Finalement, je crois que je vais lire un livre cette année’...
Difficile de dire plus ouvertement que la femme est une conne illettrée.
L'agence qui a signé cette pub est restée courageusement anonyme. Mais d'après l'annuaire CB News 1999, c'est Young & Rubicam France qui a le budget Bourgeois. Au cas où certaines lectrices auraient envie d'aller s'expliquer avec les créatifs qui ont pondu cette ânerie. Histoire de leur démontrer que les ’petites fleurs sauvages’ ont aussi de la conversation.

On travaille, nous ! 1:09:1999
A l'agence Saatchi & Saatchi, on ne croit pas à la parité. Preuve cette pub pour la carte France Télécom, qui montre un agriculteur au volant de son tracteur. Préoccupé de ne pas recevoir d'appel de sa femme, tout à ses pensées angoissées, il ne s'aperçoit pas qu'il a commencé à labourer le bitume. ’Pourquoi elle m'appelle pas ?’ se demande notre brave paysan.’Le satellite est relié à Mexico... Le relais alimente toute la vallée du Pachuca...’
Le but de cette pub est de faire savoir au consommateur qu'avec la carte magique, on peut téléphoner de n'importe où. Mais au passage, on glisse un message subliminal et on laisse entendre que, pendant que monsieur trime dans son champ, madame se la coule douce au soleil.
Les hommes bossent et les femmes glandent. Non seulement elles se font entretenir par leur mec, mais en plus, elles l'abandonnent dès le premier rayon de soleil venu, pour filer dans des contrées exotiques. Sans même penser à téléphoner pour prendre des nouvelles du courageux chef de famille resté en France pour se tuer au travail. Si le chef de famille bosse dans la pub, on les comprend.

L'horreur publicitaire 20:10:1999
À première vue, en dépit de son côté résolument craspec, la nouvelle campagne d'affichage pour Kookaï, parodie des campagnes écolos de WWF baptisée ’Save Men’, est plutôt marrante et sympa. Pour une fois, ce sont les hommes qui trinquent, relégués au rang de poil de cul ou de rognure d'ongle par des femmes revanchardes. L'agence CLM/BBDO pousse jusqu'au bout le ’concept’ des précédentes campagnes, qui montraient de minis hommes-objets aux prises avec des dominatrices sans pitié.
Mais en y regardant de plus près, tout ceci a quelque chose de franchement déplaisant. C'est ’oeil pour oeil, dent pour dent’ érigé en principe ultime : on en a chié, il n'y a pas de raison pour que vous n'en baviez pas non plus. Pour survivre, les bizutées doivent se transformer en bizuteuses.
Décidément, le publicitaire a du mal à concevoir l'idée même d'égalité. Pour lui, il faut forcément qu'il y ait un ’gagnant’, qui écrase la gueule de l'adversaire. Le monde selon la pub, c'est l'âge des cavernes libéral : il y a les dominants et les dominés. Quand elle veut faire moderne, elle inverse les rôles, c'est tout.

Toutes des turbos 24:11:1999
Les publicitaires forment décidément une grande famille, bien décidée à bâtir l'Europe de la pub. Témoin cette annonce parue dans le quotidien belge Le Soir, où l'on voit que, question ’esprit’, les Séguélas belges n'ont rien à envier à leurs congénères franchouillards. Pour inciter le consommateur mâle à se payer une nouvelle bagnole, on ne trouve rien de plus ’vendeur’ que de montrer une jeune femme, de toute évidence asiatique, les jambes largement écartées, un sourire d'invitation aux lèvres, la tête légèrement penchée pour faire coquin, mais baissée en signe de soumission, parce quand même, chacun à sa place... Suprême trouvaille, comme il s'agit de faire de la retape pour un 4X4, on a affublé le modèle de chaussures tout-terrain. A ce stade de finesse, on en arrive à se demander si cette jeune fille ne constitue pas le ’cadeau-surprise’ promis par l'annonce. Histoire de pimenter le machisme avec une touche de tourisme sexuel.

L'objet du mois 12:01:2000
Parfois, dans un moment de faiblesse, on pense que l'homme est bon et le publicitaire perfectible. On est tenté de se dire que les Chiennes de garde exagèrent, qu'elles voient le mal partout, que l'image de la femme a changé, qu'elle n'est plus considérée comme un objet, ni un produit de consommation... Et puis on tombe sur Dynamiques, le magazine édité par la Chambre de commerce et d'industrie d'Avignon, et sur cette annonce pour l'agence de ’graphisme et communication’ Mica. Alors, après avoir balancé ce torchon à travers la pièce, on se dit que les Chiennes de garde sont encore trop gentilles.

Poupée portable - 1:03:2000
On ne peut pas reprocher aux publicitaires de l'agence Jean & Montmarin d'avoir abusé de la litote. Avec cette annonce pour le forfait Nomad de Bouygues Telecom, on a tout de suite compris dans quel tiroir ils placent la femme : celui des gadgets sexuels. Si ces créatifs avaient vraiment été sincères, au lieu de s'abriter derrière l'habituel et franchement fatiguant ’second degré’, le slogan aurait été : ’Si vous offrez un portable à votre fiancée pour la Saint Valentin, elle vous taillera une pipe’... Le 8 mars, c'est la journée internationale des femmes. On se demande bien pourquoi ce n'est pas aussi la journée internationale du boycott publicitaire.

Mon beauf'.com 15:03:2000
Pour bien montrer que ce site internet est exclusivement réservé aux femmes, les créatifs de l'agence Opéra opérationnel ont mis en scène l'éternel féminin. À savoir une jolie plante qui pose en soutien-gorge, en train de battre des oeufs et de téléphoner à sa copine. Il manque un détail : avec le pied, elle pourrait pousser un aspirateur... On a compris, la femme, c'est juste bon à faire la bouffe, assurer le repos du guerrier et augmenter la facture du téléphone. Avec toutes ces activités, mesdames, on se demande comment il vous reste du temps pour surfer sur le web. Balancez-donc votre ordinateur par la fenêtre. Avec un peu de bol, il atterrira sur le crâne d'un publicitaire fana de e-business.

Jurassic Park Fever 24:05:2000
Neuf millions quatre cent mille spectateurs ont vu Taxi 2. Ce qui veut dire que près d'un cinquième de la population française est accro au ’tuning’, cette pratique méga-tendance qui consiste à transformer sa bagnole en discothèque turbo. Quand ils font de la pub, les spécialistes qui vendent les gadgets clinquants et bruyants censés métamorphoser la plus minable des FIAT Punto en Macumba à roulettes essayent, en toute logique, d'attirer le client avec ce qui lui ’parle’ le plus. La réclame ci-contre illustre donc ’l'esprit tuning’: une fille torse nu, dont on ne voit même pas le visage, dans la position dite en levrette sur le capot de la GTI. Dans l'échelle de l'évolution, neuf millions quatre cent mille Français n'ont pas encore trouvé le premier barreau.

Réussite mode d'emploi 23:08:2000
Chaque année, l'Association des femmes journalistes décerne le prix de la publicité la moins sexiste. Pas de quoi s'épuiser à la tâche : tout au plus, elles ont le choix entre une ou deux annonces. Ça laisse à ces militantes largement le temps de s'énerver sur les publicités sexistes. Là, pas question de faire les trente-cinq heures, c'est les trois huit ou rien. Car s'il s'agissait de couronner les réclames les plus machos, on n'aurait que l'embarras du choix.
Prenons par exemple cette annonce pour Pixibox.com. Elle pourrait décrocher sans peine la récompense suprême. Le texte, d'abord : ’Evidemment, c'est facile quand on se fait entretenir. Comme certaines, vous aimeriez bien avoir un homme riche qui vous couvre de cadeaux’... Suite à cette accroche sur le retour de la galanterie, on nous explique toutes les merveilles qu'on peut trouver en cliquant sur Pixibox.com : promos, réductions, chèques cadeaux, invitations... Bref, la grande vie virtuelle. Puis, on conclut : ’Même plus besoin de faire du charme pour avoir des privilèges’.
Cette vision idyllique de l'ascenseur social au féminin est très grassement soulignée par le ’visuel’. La voiture, ’cadeau de son patron’, les fleurs,’cadeau de son amant’, les lunettes, ’cadeau d'affaire’, le pantalon, ’cadeau de son mari’, les chaussures, ’cadeau de fidélité’... Bref, cette femme ne doit pas sa réussite évidente à ses compétences, mais au fait qu'elle couche. Avec son patron, ses clients, le vendeur, et même, la garce, avec son mari et son amant. Et, comme bien souvent, un message peut en cacher un autre, on en conclut également qu'avec leurs ’charmes’, les femmes piquent le boulot aux hommes, qui, eux, sont obligés de bosser pour réussir. Comme quoi la parité, ça va encore faire grimper le chômage masculin.
Bien sûr, tout cela est du second degré. Et si les Chiennes de garde décident d'aller mordre le cul aux audacieux concepteurs de cette pub résolument avant-gardiste, c'est parce que, décidément, elles ne comprennent rien au langage publicitaire.

SOS tout-petits cons 6:09:2000
Depuis 1966, la pilule contraceptive s'est imposée petit à petit, combat après combat, comme faisant partie de la vie quotidienne des Françaises. Aujourd'hui, il ne viendrait à l'idée à personne de remettre en question le bien-fondé de cet énorme progrès social. Hormis, bien entendu, aux intégristes blindés qui militent contre l'IVG et qui, s'ils le pouvaient, s'enchaîneraient aussi aux isoloirs pour protester contre le droit de vote des femmes. Mais, ces dingues dangereux mis à part, tout le monde pense peu ou prou que la pilule est indispensable. Sauf les créatifs de l'agence Bon Angle, qui, mine de rien, minimisent salement son importance.
Lisez attentivement l'accroche de cette pub pour la Skoda Fabia : ’Tiens, la pilule n'est plus la seule à nous rendre la vie facile !’Autrement dit, la pilule, c'est bien pratique. Mais, au fond, pas indispensable. Ce n'est ni une grande découverte scientifique, ni une avancée sociale essentielle, c'est un gadget commode pour celles qui veulent avoir ’la vie facile’. Avec tous les sous-entendus que cette expression contient.
On dira que je leur cherche des poux dans la tête, à ces braves publicitaires. Qu'il faut avoir l'esprit bien tordu pour voir dans cette annonce autre chose qu'un slogan innocent. Peut-être. Mais question esprit tordu, les publicitaires s'y entendent aussi, ils en donnent la preuve tous les jours. Et surtout, mieux que quiconque, ils savent utiliser les mots, connaissent le poids et les multiples sens du langage, manipulent comme personne les sous-entendus. D'autant que le slogan d'une campagne au budget de soixante millions de francs, ça ne s'improvise pas aux gogues en remplissant sa grille de Loto. On y réfléchit longtemps, ça se murit, on en parle au cours de ’brainstormings’ interminables. Ce n'est jamais innocent. D'ailleurs, cette campagne est déclinée en deux affiches. Sur la deuxième, il est question du téléphone portable, objet certes pratique, mais loin d'être indispensable. Le parallèle est éloquent. Et sûrement pas innocent.

Des infos, oui, mais des Panzani ! 13:09:2000
Imaginez : vous êtes tranquillement installé devant le journal télévisé de 20 heures, lorsque tout à coup, sans prévenir, juste après les dernières nouvelles du blocus des routiers-taxis-tracteurs, pub ! PPDA reviendra après, une fois que les ex-collègues de Frédéric Beigbeder, ancien concepteur-rédacteur chez Young & Rubicam et nouveau philosophe chez Grasset, auront livré au téléspectateur leurs propres scoops : la lessive lave le linge, le shampoing lave les cheveux, la femme lave la vaisselle... Cette idée d'interrompre intempestivement les journaux télévisés par des spots publicitaires a germé, puis exagérément poussé, dans le cerveau pervers des rédacteurs de la revue italienne Advertising, sorte de Fig' Mag' exclusivement consacrée à la réclame. Il faut, dit très sérieusement l'éditorialiste, ’rompre avec ce faux moralisme anticapitaliste des journalistes’, faisant sans doute allusion aux bolchéviques notoires qui oeuvrent sur les chaînes berlusconiennes. En fait, il faut surtout remplir de pub les derniers trous regardables de la télé italienne.
Sur sa lancée, Advertising, en collaboration avec une cinquantaine d'agences de médiaplanning, a établi un palmarès des présentatrices - en Italie, les journaux télévisés sont présentés en très grande majorité par des femmes - précisant pour chacune d'elles à quel type de spot elle pourrait être associée, ainsi que sa valeur marchande. Telle Claire Chazal locale est donc évaluée à 50 millions de lires (environ 170 000 francs) et est jugée idéale pour les cosmétiques. Telle autre, plus ’femme au foyer’, serait parfaite pour les produits domestiques, mais, selon les maquignons de la pub, vaut à peine 14 millions de lires (45 000 francs)...
Que des publicitaires veulent vendre des pâtes et des crèmes de beauté entre un reportage sur le Kosovo et une enquête sur le sida en Afrique n'a au fond rien d'étonnant. On ne va pas demander à des gens qui rêvent de transformer la Terre en supermarché géant d'être raisonnables. Le plus significatif, dans cette histoire, c'est qu'elle met en lumière les rouages qui font tourner le monde de la publicité : le cynisme, l'ultralibéralisme et le machisme. Mieux que n'importe quel bouquin à 99 balles torché par un faux repenti, cette polémique qui secoue la rentrée télévisée italienne nous explique ce que sont vraiment les publicitaires.

La plus vieille nouvelle économie du monde 20/09/2000
On comprend que des gens dont le métier est de concevoir des campagnes de pub et de promotion sur Internet aient envie de prouver à leurs futurs clients à quel point ils sont professionnels. Surtout lorsqu'ils doivent faire leur propre réclame. Mission plus qu'accomplie pour l'agence Welcom, avec cette annonce d'auto-propagande qui est un modèle d'‘esprit’ publicitaire. Si avec ça ils ne décrochent pas les contrats du siècle, c'est à désespérer des annonceurs.
‘Les meilleures affaires commencent toujours par un mot de bienvenue’, nous dit l'accroche, avertissant les futurs clients de l'agence qu'ils seront toujours bien accueillis. Et la très charmante personne qui occupe toute la photo et tout le regard de l'observateur est là pour appuyer le message. De tout son poids de suggestion : le regard torride, la bouche pulpeuse qui s'arrondit en une moue prometteuse, les pointes des seins tendues à travers le tissus léger, les doigts prêts à détacher le noeud d'un minuscule gilet qui ne demande qu'à s'ouvrir sur une poitrine nue... Pas besoin d'être particulièrement perspicace pour comprendre que le ’mot de bienvenue’ ne sera que le préambule à une relation d'affaire qui n'aura rien de verbal.
Qu'ont donc voulu dire les créatifs qui ont accouché de cette pub qui ressemble à une annonce pour serveur téléphonique ’coquin’, genre ’Lucille et ses copines t'attendent au 08 etc.’?... Qu'en arrivant à l'agence, les clients ont, d'entrée, le droit de coucher avec l'hôtesse d'accueil ? Que l'escort girl est prévue dans les frais généraux ? Que Monica Lewinski leur offrira un cigare avant la signature du contrat ? Quoi qu'il en soit, ces créatifs prometteurs n'ont sûrement pas fait cette pub par hasard. Et elle est révélatrice de ce que les requins-nains de la nouvelle économie entendent faire d'Internet : un gigantesque lupanar multicolore où les serveurs pornos et les journaux larbins de multinationales feront le tapin pour des annonceurs-proxénètes.

L'heure du beauf' 20/12/2000
Quand il s'agit de réclame, les produits ’haut de gamme’ font rarement dans la finesse. Témoin la dernière pub pour les chaussures Weston, où l'on voit un pied masculin - chaussé comme il se doit de la pompe merveilleuse - masquant nonchalament la partie la plus convoitée du corps d'une call-girl, lascivement offerte sur un lit d'hôtel à quelques valises de dollars la nuit... Un fabricant de montres suisse plus que centenaire ne saurait verser dans une telle vulgarité, où la réussite sociale est ouvertement associée au nombre de poules de luxe qu'on peut faire monter dans une chambre de palace. Mais ça ne l'empêche pas pour autant de donner lui aussi son opinion sur le rôle de la femme dans notre société : ’Les hommes aussi savent essuyer les verres. Tant qu'ils ne dépassent pas 42 mm de diamètre’. En clair, la vaisselle, ce n'est pas une affaire de mâle. On est en droit de se demander l'utilité d'un tel slogan dans ce cas précis, car à 76 800 balles la tocante, les éventuels acheteurs d'une IWC ont certainement les moyens de se payer plusieurs lave-vaisselle, ainsi qu'une armée de domestiques chargés d'appuyer sur les boutons.
En fait, le message de cette annonce, c'est : IWC, c'est une montre d'homme, de vrai. Et un homme-un-vrai sait remettre les femmes à leur place. Dans la cuisine. On avait la montre de James Bond, la montre d'Indiana Jones, la montre de Cindy Crawford, voilà maintenant la montre de Robert Bidochon. À priori, on serait tenté de se dire que les créatifs de l'agence Wirz ont raté leur cible, ou, pour utiliser un terme plus tendance, se sont gourés de tribu. Pas du tout. Ils n'ont simplement pas pris de risque, en tablant sur un fantasme masculin assez universellement répandu : l'homme dominateur. Une stratégie éprouvée, qui fonctionne sur à peu près tous les publics et pour tous les produits, et que de surcroît ils maîtrisent parfaitement pour l'avoir accommodée à toutes les sauces. Bref, ils ne se sont pas foulé et ont fait comme pour eux.

Profession potiche 7/03/2001
La parité dans l'entreprise, c'est bien, à condition que chacun sache quelle place est la sienne. Chez Alice, on aime visiblement que les rôles soient attribués une fois pour toutes. Témoin, cette annonce pour l'agence de communication Plein Cadre, qui montre un buste ostensiblement féminin, avec pour sous-titre : ’Elle a beau être cadre, elle n'en est pas moins femme’. C'est une idée entendue, un fait sur lequel il n'y a pas à revenir, la femme se définit par son décolleté. Elle peut être cadre, ministre, général de brigade, voire Présidente de la République, ce ne sont que des hobbies ou des caprices pour se rendre intéressante. Son vrai métier, c'est d'être désirable. Tout le reste est accessoire. Le cerveau, c'est juste pour équilibrer la tête, pour éviter qu'elle ne tombe en avant et cache les seins...
Le plus affligeant, c'est que cette pub fine et courtoise n'est pas née à la fin d'un banquet copieusement arrosé entre rugbymen, mais au cours d'une séance de ’création’ dans l'une des plus grosses agences de pub parisiennes. Elle n'est pas le fruit d'un concours de blagues vulgos entre machos fins cuits, mais d'une mûre reflexion, menée par des gens dont la fonction est de s'appuyer sur des désirs pour vendre une image ou un produit. Ce qui est vraiment révoltant, dans le fait que les publicitaires nous assomment de pubs qui considèrent la femme comme un pur objet d'agrément, c'est que ces pubs sont justement destinées à nous séduire. Donc, concrètement, à nous ramener à l'état de primate. Le rêve du publicitaire, c'est de retourner à l'âge des cavernes, où, pour faire agir l'être humain, il suffisait d'appuyer sur le bouton ’pulsion’. Fondamentalement, toutes ces publicités qui débordent de filles plus ou moins nues lascivement offertes pour vendre des bagnoles ou des shampoings, méprisent autant l'homme que la femme.

Parité version cuir 21/3/01
Quand l'humour des publicitaires rencontre celui des motards, on est en droit d'attendre un résultat dont la finesse n'a d'égale que la courtoisie. Avec la nouvelle campagne pour les motos Buell, on n'est pas déçu. Les créatifs en Prada ont su se hisser à la hauteur des machos en cuir et ont accouché d'une affiche que tous les amateurs de deux roues bien gonflées seront fiers d'accrocher dans leur chambrette. On y voit une bombe sexuelle vêtue exclusivement de talons aiguilles, à quatre pattes comme il se doit, attendant qu'un viril ’ange de l'enfer’ vienne l'enfourcher pour une folle équipée sauvage. Accroche : ’Épreuve N°8 : Son douzième fiancé est mort d'une crise cardiaque. Remplacez-le au pied levé. Si vous survivez à l'épreuve n°8, vous êtes mûr pour l'épreuve ultime’. Laquelle consiste à faire vroum-vroum sur la superbe motocyclette qui attend, elle aussi, qu'on la chevauche comme une bête.
Avec cette annonce, l'agence Alternative ne s'est pas contentée de touiller dans la marmite des fantasmes préhistoriques qui animent la libido du ’biker’ moyen. Elle fait ouvertement référence aux épreuves d'initiation brutales auxquelles sont soumis les candidats Hell's Angels (les motos Buell font partie du groupe Harley-Davidson, la moto de prédilection des Hell's). Autrement dit, pour ’communiquer’, les créatifs ont choisi de s'appuyer sur des bizutages violents et des humiliations sexuelles. Sous des dehors de bande-dessinée pour adultes un peu crétins, cette pub exalte les ’valeurs’ de la vie en bande, où la femme est dans le meilleur des cas un colifichet valorisant, et dans le pire un paillasson sexuel qu'on partage entre copains. C'est d'ailleurs bien à ça que sert la pin-up en haut de l'affiche : tout le monde est invité à lui passer dessus. Pour toucher sa cible, cette campagne n'hésite donc pas à faire la promo du viol collectif comme rite initiatique. Comme on le disait, avec les publicitaires, on n'est jamais déçu...

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