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Meute belge
Relais à Bruxelles : Marie-Noëlle Vroonen
Pour protester contre une publicité sexiste, adressez-vous au JEP (un formulaire de plainte est disponible sur le site http://www.jepbelgium.be) ou au CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel pour les pubs francophones diffusées à la radio ou à la télé http://www.csa.cfwb.be).
Un exemple de plainte au Jury dÉthique publicitaire
LOréal Nutrilift (affiches, Bruxelles, mars 03)
Bruxelles, le 3 mars 2003
Marie-Hélène Lahaye
Jury dÉthique publicitaire
Avenue Louise 120 Bte 5
1050 Bruxelles
Fax : 02/502.77.33
Monsieur,
Par la présente, je dépose une plainte contre la société LOréal en raison des affiches pour son produit « Nutrilift » présentes dans les rues de Bruxelles depuis ce mardi. Cette affiche est illustrée par une femme nue, ce qui est à la fois indécent et sexiste donc discriminatoire.
Cette affiche est indécente parce que contraire aux normes communément admises dans notre société. En effet, nimporte quelle femme se mettant nue sur le bord de la route et lançant des sourires et regards charmeurs aux passants et automobilistes se verrait très rapidement arrêtée par les forces de lordre pour « outrage public aux bonnes murs » et/ou pour incitation à la débauche. Il est donc tout à fait légitime de considérer quune affiche présentant une telle femme à tous les coins de rues, et donc à la vue de toutes et tous y compris à la vue de personnes qui ny consentent pas, est contraire aux normes communément admises par notre société.
Ces normes sont dailleurs transcrites dans le code pénal en différents articles que je laisse à votre méditation.
Art. 383. Quiconque aura exposé (
) des images contraires aux bonnes murs, sera condamné à un emprisonnement de huit jours à six mois et à une amende de vingt-six francs à cinq cents francs.
Art. 385. Quiconque aura publiquement outragé les murs par des actions qui blessent la pudeur, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs.
Si l'outrage a été commis en présence d'un mineur âgé de moins de seize ans accomplis, la peine sera d'un emprisonnement d'un mois à trois ans et d'une amende de cent francs à mille francs.
Art. 387. Sera puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de mille francs à cinq mille francs, quiconque vend ou distribue à des mineurs ou expose sur la voie publique ou le long de celle-ci des images, figures ou objets indécents de nature à troubler leur imagination.
Art. 380bis. Sera puni d'un emprisonnement de huit jours à trois mois et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs, quiconque, dans un lieu public aura par paroles, gestes ou signes provoqué une personne à la débauche. La peine sera élevée au double si le délit a été commis envers un mineur.
Cette affiche est sexiste parce quelle présente uniquement une femme nue et pas dhomme nu. Lactuelle campagne publicitaire de cette société est déclinée sous forme de deux affiches : laffiche incriminée et une seconde affiche présentant une femme de dos lépaule nue couverte de savon. Une même campagne publicitaire montrant une femme nue sur une affiche et un homme nu sur lautre affiche aurait eu exactement le même impact budgétaire pour lannonceur, mais aurait permis de considérer les hommes et les femmes de façon égale, tant dans la représentation dhomme/femme objet illustrant laffiche, que dans le plaisir que les passant-es et automobilistes peuvent éprouver durant leurs déplacements quotidiens en regardant ces affiches. Le fait de délibérément choisir de montrer des femmes dont une entièrement nue illustre une volonté manifeste de lannonceur de créer une discrimination fondée sur le sexe. De plus, la société lOréal sest déjà vue reprocher à plusieurs reprises, par des consommateurs-trices, cette politique qui consiste à diffuser régulièrement des affiches présentant des femmes nues ou largement dévêtues et nignore donc pas quune partie de la population perçoit une discrimination manifeste dans ses publicités.
En ce qui concerne la discrimination fondées sur le sexe, je vous renvoie à la récente loi du 25 février 2003, et plus particulièrement à son article 2 :
Art. 2. § 1er. Il y a discrimination directe si une différence de traitement qui manque de justification objective et raisonnable est directement fondée sur le sexe (
).
§ 2. Il y a discrimination indirecte lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre a en tant que tel un résultat dommageable pour des personnes auxquelles s'applique un des motifs de discrimination visés au § 1er, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne repose sur une justification objective et raisonnable.
(
)
§ 4. Toute discrimination directe ou indirecte est interdite, lorsqu'elle porte sur :
(
)
- la diffusion, la publication ou l'exposition en public d'un texte, d'un avis, d'un signe ou de tout autre support comportant une discrimination; (
)
Jestime que le fait de diffuser de la publicité pour un produit de beauté ne constitue pas « une justification objective et raisonnable » autorisant une discrimination fondée sur le sexe en matière de non respect des normes communément admises dans notre société.
Enfin, jinvite le Jury dÉthique publicitaire à examiner ma plainte sur base du code de pratiques loyales en matière de publicité de la Chambre de Commerce Internationale qui sont les suivants : la publicité doit être loyale, décente, véridique, conforme à la législation et témoigner du sens de la responsabilité sociale.
Jautorise le Jury dÉthique publicitaire à transmettre ma plainte à la société incriminée.
Je vous prie dagréer, Monsieur, mes salutations distinguée.
Marie-Hélène Lahaye
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Synthèse des idées retenues lors de la conférence-débat avec Florence Montreynaud
13 décembre 2002
Panel :
Philippe Mazy de R.A.P. (Résistance à lagression publicitaire) organisateur
Florence Montreynaud de La Meute France invitée
ZORRA groupe de lUniversité dAnvers qui lutte contre la publicité sexiste témoin
Antoinette Brouyaux du CRIOC (centre de recherche et dinformations des organisations de consommateurs) témoin
Florence M. nous a expliqué laction de La Meute en France, sur le terrain et sur internet, puis elle a projeté plusieurs petites vidéos reprenant des spots publicitaires ou des montages de publicités analysées par différents groupes. Le site http://lameute.org.free.fr est consulté et alimenté par des femmes de tous horizons. Il est très intéressant.
A la différence de RAP qui rejette lenvahissement publicitaire (conditionnement, détérioration de lenvironnement, désinformation..) sous toutes ses formes, La Meute sintéresse à laspect de genre dans la publicité (affiches, spots TV, presse, transports, médias en général..). RAP Belgique sinspire de RAP France et sadresse aux francophones de Belgique.
Zorra est un groupe détudes (www.zorra.be) qui ouvre le dialogue sur la publicité de genre et nagit auprès de lannonceur que lorsquil y a consensus. Le site est en néérlandais mais on y accepte des témoignages en français et il semble que le groupe serait ouvert à une action nationale.
Remarques issues du débat :
& Le JEP (jury déthique publicitaire) devrait être ouvert aux consommateurs /citoyens.
& Si le nu est interdit dans les espaces publics, pourquoi les affiches de nus sont-elles tolérées ?
& Faire trop de reportages photo sur les sites qui condamnent certaines pubs ferait le jeu des annonceurs.
& Privilégier des actions légales.
& Florence M. recommande à ceux qui veulent agir ensemble de travailler dabord à bien se connaître mutuellement afin de pouvoir réagir rapidement et dune seule voix.
& Lors de lenvoi dun courrier à lannonceur ou à la firme publicitaire, il faut veiller à :
- Donner la description complète de la pub et le lieu où elle est apparue
- Faire une analyse féministe de son contenu
- en décrire leffet sur notre psychisme, sur lentourage
- demander des excuses
- demander de supprimer ce type de pub par un engagement ferme
- annoncer un boycott personnel et un rapport à lentourage.
Actions en cours ou passées mentionnées :
& Un groupe belge (Gafelles) a pris une vidéo de leur action sur le terrain : ajouter des textes ironiques sur des affiches existantes. (travail difficile et illégal !)
& Certains pays extra-européens sont déjà très actifs : Québec (autrefois, prix « emeritas » et « demeritas »,) Japon (Ville de Tokyo).
& Certaines actions illégales sont cependant tolérées parce que médiatisées : Yvan Gradis, en France, barbouille des affiches en plein midi, soutenu par une foule invitée à le protéger.
& Florence M. raconte quelle se poste devant une affiche contestable, dans le métro, et quelle demande lavis des gens pour attirer leur attention. Elle sinstalle aussi dans un parc avec 3 exemples de publicités, et entre en contact avec les passants pour connaître leurs réactions. Elle pense quil est indispensable de récolter lavis du grand public pour se faire une opinion de limpact des images. (par exemple, Zorra constate que leffet de la publicité nest pas toujours le même en Flandre et en Wallonie)
& RAP souhaite avoir une influence sur le politique en faisant des sondages.
& Zorra se pose comme un point dinfo pour signaler les pubs sexistes et donner la parole au public. Le site fonctionne comme un forum, avec témoignages et copies de lettres de réclamation. Lorsquil y a consensus, contact est pris avec lagence de diffusion pour témoigner des réactions et demander de changer lorientation des messages. (résultat : 5% !) Zorra attribue aussi des prix + sexe et sexe dont on peut trouver les résultats sur le même site.
& La Ministre flamande Mieke Vogels a lancé une campagne contre « le corps mince » comme modèle universel. Les publicités impliquées sont transmises au JEP (et à lEASA, organe européen correspondant) afin dalerter les firmes.
& Les GAFELLES (groupe belge) se sont manifestées en déposant de petits tracts dans les poches des vêtements en vente chez SISLEY. Ces tracts indiquaient au client que la firme avait une attitude sexiste dans sa publicité.
& Le CRIOC informe quun projet damendement de la loi sur les pratiques du commerce (LPC) pourrait proposer un code de bonne conduite en matière de publicité. A voir avec le Comité de Liaison des Femmes qui suit déjà laffaire. Cette loi est initiée par Marie-Hélène Lahaye du Cabinet Deleuze (Développement durable).
M.N. Vroonen
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Antoinette Brouyaux, relais de La Meute à Bruxelles, communique :
24 mars 2002
108edito femme
Limage de la femme dans la publicité: je suis fatiguée !
Le comité de rédaction de Du côté des consommateurs salue le coup de semonce de la rédactrice en chef de Stem der Vrouw, et publie la traduction intégrale de son dernier édito dans ces pages, à l'heure où c'est à présent la campagne de Sisley qui déchaîne les passions. Décidément, son propos reste d'actualité
Lorsque je dois une fois de plus donner mon opinion sur limage de la femme dans la publicité, les premières paroles qui me viennent à l'esprit sont lexpression bien connue du schtroumph paresseux: Je suis fatiguée
. Lindignation de femmes concernant l'usage abusif de leurs corps dans l'espace public, leurs humiliations et limage dégradante que la publicité donne delles, cette indignation nest plus de mise. Justifier cette indignation demande chaque fois plus dénergie, et cet effort est disproportionné par rapport au peu dexplications que donnent les publicitaires, si tant est qu'ils soient tenus par quiconque d'en donner..
Nous, les femmes, sommes des pisse-vinaigre, des bobonnes, des coupeuses de cheveux en quatre, des féministes sans aucun sens de lhumour ! Nous sommes trop vite choquées, nous cherchons la petite bête, nous navons apparemment rien de plus intéressant à faire, et nous venons dune autre planète ! Je vous épargnerai lanthologie de la suite des réactions négatives enregistrées. Cest trop décourageant !
Comme cela fait quelques années déjà que je suis rédactrice, je me tiens sur mes gardes. Jai un rapport haine-amour avec la publicité et ses campagnes. La plupart du temps, japprécie beaucoup loriginalité, lesprit, lhumour, lesthétique, lattrait et même la sensualité de ces campagnes. Jai dailleurs une immense admiration pour les techniques que les séducteurs professionnels utilisent.
Cest aussi la raison pour laquelle je me fâche quand ces mêmes professionnels démolissent les femmes.
Aux coins des rues, des affiches de 20 m2 nous comparent à des vieux meubles, nous présentent comme des pots-au-feu langoureux qui attendent qu'une aubaine leur tombe dans le tablier, ou simplement comme des seins et fesses à tâter ou à reluquer. Devant la force et la portée quun tel message a dans lopinion publique, la lutte féministe de tout un siècle se trouve ridiculisée et désarmée.
Jai même limpression que cest devenu un critère de qualité dans le monde publicitaire que de réussir à vexer le mouvement féministe. Puisqu'à coup sûr, cela attire fort lattention, le risque est facilement rentabilisé.
Je dois admettre que cette considération déplace les limites de ma tolérance.
Les médias jouent également un rôle non négligeable dans ce contexte.
Le mouvement des femmes sest toujours battu pour tous les thèmes sociaux importants. Des positions sont prises, des remarques critiques sont énoncées, dinnombrables recommandations politiques sont formulées, des rapports sont écrits et des idées intéressantes sont développées. À chaque fois, la presse est informée et il lui est demandé de consacrer un peu dattention médiatique au sujet. Cette demande est à peine rencontrée. De loin en loin (et encore !) il est possible de capter lattention des journalistes; les chances dobtenir un spot télévisé dans le journal ou un scoop dans un programme dactualités sont encore plus rares. Dès que lon entrevoit quelque frivolité ou matière à sensation, cependant, tout le monde saute sur son téléphone et vous demande de venir expliquer votre position. Dans ces moments, il semble en effet que nous nous occupons uniquement de futilités, que cest nous qui gonflons les choses, que cest nous qui exagérons.
Lutilité et le sens du mouvement des femmes font actuellement l'objet de recherches critiques. Les jeunes femmes surtout vivent avec lillusion que légalité entre hommes et femmes est un état de fait. Les jeunes femmes ne sinquiètent pas non plus de problématiques comme la publicité irrespectueuse des femmes. Au contraire, cest "tendance" et cool den plaisanter.
Le fait de devoir expliquer et réexpliquer les enjeux des stratégies et rapports de force, de devoir relancer des signaux d'avertissement contre les formes latentes et subtiles d'oppression, nous donnent lair danciennes combattantes qui ont oublié de se démobiliser. Effectivement, je trouve cela fatigant, alors même que face à louverture et à lacrimonie des médias dans leurs attaques de plus en plus fréquentes contre les femmes, le découragement n'est plus de mise. Si la force et le pouvoir de la presse et de la publicité se mettaient enfin au service de la création dune image positive des femmes, je ne me plaindrais plus car cela signifierait un énorme pas en avant pour la lutte des femmes, en compensation de tous les abus et de toutes les injures.
Mais à quoi bon? Malgré le fait que le publicitaire se soit excusé, de manière forcée et non sincère, chaque matin lorsque jentre dans Bruxelles en voiture, elle me regarde encore d'un oeil sévère, le vieux meuble de Vastiau Godeau ! Ce qu'elle pense, je nose l'écrire ici. Mais elle a raison. Elle a tenu le coup et le reste était une tempête dans un verre deau. Comme cest fatigant !
Francy Van der Wildt
Ci-dessous : manifestation contre une publicité sexiste organisée à Bruxelles en mai 2002 par RAP-Belgique (Résistance à l'agression publicitaire), dont des membres sont aussi membres de La Meute.
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