IWC, montres (Affiches)

«Les hommes aussi savent essuyer les verres.
Tant qu'ils ne dépassent pas 42 mm de diamètre.
»

Description
Gros plan sur une montre d'homme
Texte " Les hommes aussi savent essuyer les verres. Tant qu'ils ne dépassent pas 42 mm de diamètre. De quoi émanciper un homme. (...) Depuis 1868. Et tant qu'il y aura des hommes. "

Note
Cette publicité fait partie d'une série. Autres textes : " Presque aussi compliquée qu'une femme. La ponctualité en plus. Voilà de quoi plaire aux hommes. " ou " Les hommes sont plus fidèles qu'on ne le pense. Ils ne se séparent jamais de leur [nom de la montre]. "

Commentaire
La première phrase joue sur le double sens du mot verre : verre à boire, relevant de la vaisselle, tâche ménagère féminine et méprisée, et verre de montre, domaine professionnel technique (d'où la précision des " 42 mm " : pourquoi de diamètre ? est-ce une erreur pour épaisseur ?), donc masculin et valorisé. Le verbe essuyer n'a pas la même valeur s'il s'agit de la vaisselle (corvée banale, répétitive et accomplie gratuitement) ou d'un verre de montre qui, bien nettoyé par son possesseur, lui permettra de voir l'heure et d'être ponctuel à ses importants rendez-vous professionnels. La montre ressemble en effet à celle des héroïques aviateurs d'autrefois (du temps des clichés comme " tant qu'il y aura des hommes ", sous-entendu des " vrais " !)
Ce slogan oppose banalité féminine et professionnalisme masculin.
Il pourrait signifier que seul le chromosome XX donne à ses porteuses la compétence (pourtant réduite) nécessaire pour faire la vaisselle.
La phrase suivante tourne en dérision le processus d'émancipation. Quel rapport entre une montre pour homme et l'émancipation masculine ? De quoi un homme pourrait-il s'émanciper en portant une montre ? De sa mère ou de sa femme, qui ne lui essuiera pas ce verre-là ? Le seul message clair est que les tâches ménagères sont faites par les femmes.

Article de Gérard Biard*, Charlie-Hebdo, 20 décembre 2000
"Quand il s'agit de réclame, les produits 'haut de gamme' font rarement dans la finesse. Témoin la dernière pub pour les chaussures Weston, où l'on voit un pied masculin -- chaussé comme il se doit de la pompe merveilleuse - masquant nonchalamment la partie la plus convoitée du corps d'une call-girl, lascivement offerte sur un lit d'hôtel à quelques valises de dollars la nuit Un fabricant de montres suisses plus que centenaire ne saurait verser dans une telle vulgarité, où la réussite sociale est ouvertement associéee au nombre de poules de luxe qu'on peut faire monter dans une chambre de palace. Mais ça ne l'empêche pas pour autant de donner lui aussi son opinion sur le rôle de la femme dans notre société : " Les hommes aussi savent essuyer les verres. Tant qu'ils ne dépassent pas 42 mm de diamètre. " En clair, la vaisselle, ce n'est pas une affaire de mâle. On est en droit de se demander l'utilité d'un tel slogan dans ce cas précis, car, à 76 800 balles la tocante, les éventuels acheteurs d'une IWC ont certainement les moyens de se payer plusieurs lave-vaisselle, ainsi qu'une armée de domestiques chargés d'appuyer sur les boutons.
En fait, le message de cette annonce, c'est : IWC, c'est une montre d'homme, de vrai. Et un homme-un-vrai sait remettre les femmes à leur place. Dans la cuisine. On avait la montre de James Bond, la montre d'Indiana Jones, la montre de Cindy Crawford, voilà maintenant la montre de Robert Bidochon. A priori, on serait tenté de se dire que les créatifs de l'agence Wirz ont raté leur cible ou, pour utiliser un terme plus tendance, se sont gourés de tribu.. Pas du tout. Ils n'ont simplement pas pris de risque, en tablant sur un fantasme masculin assez universellement répandu : l'homme dominateur. Une stratégie éprouvée, qui fonctionne sur à peu près tous es publics et pour tous les produits, et que de surcroît ils maîtrisent parfaitement pour l'avoir accommodée à toutes les sauces. Bref, ils ne se sont pas foulés et ont fait comme pour eux."
* signataire du Manifeste "NON à la pub sexiste!"

Commentaires de Anne-Elizabeth Rouault sur deux publicités parues dans des journaux : l’une vante la montre pour homme IWC, l’autre un forfait pour un accès internet proposé par World Online.
Dans la première, tirée du supplément week-end d’un quotidien financier anglais, mais dont il existe aussi une version française, on peut lire le slogan suivant : “Almost as complicated as a woman. Except it’s on time.” [en v.f. : Presque aussi compliquée qu’une femme. La ponctualité en plus.]
Cette annonce me semble particulièrement représentative de l’une des voies par lesquelles s’exprime le sexisme dominant, à savoir le “sexisme ordinaire”, sur le modèle du “rascisme ordinaire”. Le procédé est simple : il consiste à rassembler tous les individus d’un groupe humain sous une même épithète, que l’on présente comme une caractéristique commune à tous les individus. Cette négation de la diversité, cette réduction à une image simpliste - et forcément peu flatteuse - est maintenant réprimée par la justice si elle s’applique à des groupes ethniques, aux pratiquants d’une religion, etc. Imagine-t-on trouver imprimés en toutes lettres dans un journal des slogans tels que :
“presque aussi [........] qu’un Juif”
“ presque aussi [........] qu’un Chinois” ?
Pourquoi alors tout un groupe humain devrait-il supporter ce qui résonne dans d’autres domaines comme une insulte publique ? Au nom de quoi devrait-il prendre la chose avec humour ?

C’est le même raisonnement qui est à l’œuvre dans la seconde publicité. On y voit une jeune femme seule dans un lit double, l’air boudeur, tandis que le slogan commente : “ Forfait Internet 25 h: 90 f/mois. Ca ne va pas faire que des heureux!” Sous-entendu : Monsieur, qui est passionné à la fois par les nouveautés technologiques et par ce qui se passe dans le monde, surfe sur la toile toute la soirée, alors que la sphère d’intérêt de Madame ne dépasse pas le cadre de son intimité, et qu’elle est incapable de se consacrer seule à un loisir constructif.
Nous voilà à nouveau dans l’univers du cliché éculé, de la bonne vieille blague consensuelle, que par ailleurs, dans la vie quotidienne, de moins en moins de gens se permettent. Cette annonce, censée vanter un produit qui colle à la modernité, présente en réalité une vision parfaitement réactionnaire de notre société. Et ce qui est plus grave, c’est que du haut de l’autorité que donne toute publicité (au sens premier de “être rendu public”), et en prétendant déclencher le rire, elle tend insidieusement à conforter dans un large public cette vision réactionnaire.
Fév. 01