Action n° 2
Chaussures Mac

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1. LES FAITS
Une série de publicités pour des chaussures d'homme a été publiée fin 2000 dans Le Monde (21.11, 29.11 et 9.12) et dans Le Nouvel Observateur (23.11 et 14.12).

Trois images différentes, plein cadre, de format identique dans Le Monde (18,5 cm x 28,5 cm; dans Le Nouvel Observateur, une image sur une double page) et de mise en scène semblable : au premier plan, la chaussure gauche d'un homme dont on ne voit qu'une partie du pantalon et qui a les jambes croisées. Le pied chaussé, gigantesque (la moitié de l'image), masque, au second plan, le ventre d'une belle jeune femme mince. Celle-ci a la pose d'une prostituée qui s'offre : seul son torse est (assez peu) vêtu, elle a les cheveux longs, et sa bouche violemment fardée est entrouverte ; son regard est en partie caché.
Le meuble sur lequel se trouve chaque femme et le fond sur lequel elle se détache précisent le cadre :
Première image : un vaste fauteuil ancien tapissé de bleu ciel, dans un salon au décor luxueux (cheminée en marbre, boiseries) : assise au bord du siège, la femme ne porte qu'un gilet en tissu léopard, non attaché par devant et laissant entrevoir un sein, ainsi que le haut du ventre ; son épaisse chevelure noire est rejetée sur l'épaule gauche, et elle regarde de côté, les yeux mi-clos la chaussure masculine marron, à lacets et en cuir coûteux, surmontée d'une chaussette marron et d'un pantalon en tweed.
Deuxième image : un lit très large recouvert de rose, avec au-dessus de la tête une boiserie dorée aux courbes compliquées, et un ciel de lit en tissu jaune : la femme, aux cheveux teints en blond et d'aspect négligé, est agenouillée sur le lit ; elle n'est vêtue que d'un haut rose vif à bretelles étroites, découvrant la taille et le haut des seins, et elle porte des lunettes de soleil ; à côté d'elle, une guitare électrique vert émeraude complète le cliché " groupie " et " show-biz ", qui contraste avec le sobre mocassin marron en crocodile, la chaussette et le pantalon marron.
Troisième image : (décor d'extérieur) se détachant sur une mer d'un bleu intense, fendue par un canot à moteur, une femme brune, ne portant qu'un haut de bikini rose chair, est quasi allongée sur un lit-fauteuil de repos en plastique blanc, avec un matelas rayé bleu marine et blanc. En recourbant ses doigts, elle soulève un peu un masque bleu qui dissimule ses yeux, et elle arrondit sa grosse bouche rouge. Au premier rang, le pied nu de l'homme porte une chaussure d'été marron et blanc, tandis qu'on voit le bas d'un pantalon de toile bleu ciel.

Quel produit vantent ces images ? Aucun commentaire n'accompagne les photos. Dans le coin en bas à gauche, la signature de l'agence : LOEB. Sur le bas du pantalon de l'homme, huit lettres blanches d'un centimètre de haut : J.M. WESTON. Il s'agit du nom d'une marque française de chaussures fabriquées à Limoges et coûtant très cher. L'entreprise aurait-elle choisi ce nom anglais pour se donner un air chic ? Pour éviter de lui faire de la réclame, désignons-la par un surnom approprié : les chaussures MAC.

2. L'INTERPRÉTATION

2.1 "Il a la chaussure, il a la femme, il aura l'argent rapporté par la femme." (parodie du slogan publicitaire " il a l'argent, il a la voiture, il aura la femme ")
En effet, si la mannequin a les attributs et l'attitude d'une prostituée plus ou moins coûteuse, l'homme qui jauge la marchandise, jambes croisées, figure un proxénète (ou souteneur ; en argot : mac).
La femme prend la pose et attend ; elle s'offre à l'œil évaluateur de l'homme que l'on ne voit pas. Elle est aussi offerte à nos regards, car nous, public lecteur de journaux, nous sommes invités à pénétrer " à l'œil " dans un décor de luxe réservé aux très riches : salon, chambre ou yacht.
La clef pour entrer dans ce monde de volupté : la chaussure MAC. Sa place écrasante dans l'image, et sa forme, celle d'un pénis en érection, en font un objet phallique, associé à la puissance virile.

2.2 L'acheteur de chaussures MAC dominera les femmes.
En achetant la chaussure, il deviendra comme le mac de l'image, car ces mises en scène veulent montrer que l'homme MAC est un maître. Les femmes sont des objets sexuels, à disposition. Elles se proposent et attendent. Il a tout son temps (le vrai luxe). Elles sont jeunes, belles et exhibées. Il n'a pas besoin de se montrer, car il a le pouvoir.
Encore plus fort que de " prendre son pied " : l'homme marque symboliquement, de son pied chaussé de MAC, le bas-ventre de la femme, tel le chasseur s'appropriant la dépouille de l'animal. Brune ou blonde, la femme est proie, chair fraîche disponible et consentante.

3. L'ACTION DE LA MEUTE

Le 26 décembre 2000, j'ai écrit
aux directeurs du Monde et du Nouvel Observateur
(extrait) " Cette image montre que l'homme chaussé de Weston domine les femmes, qui sont des objets sexuels à sa disposition.
Au nom des signataires - un millier en trois mois - du Manifeste " NON à la pub sexiste ! " (ci-joint), je vous demande de veiller à ne plus publier de publicités sexistes. "

au PDG de l'entreprise de chaussures
" Monsieur,
L'entreprise que vous dirigez a fait publier une campagne publicitaire, notamment dans Le Monde (21.11, 29.11 et 9.12.2000) et dans Le Nouvel Observateur (14.12.2000).
Il s'agit de trois images différentes, de mise en scène semblable : dans un décor de luxe, au premier plan, la chaussure gauche, en gros plan, d'un homme assis, jambes croisées. Cette chaussure masque - ce qui donne l'impression qu'elle écrase -, au second plan, le ventre nu d'une belle jeune femme mince, dont seul le torse est vêtu et dont la pose peut être perçue comme celle d'une prostituée qui s'offre. L'homme, dont on ne voit que la chaussure coûteuse et une partie du pantalon, a tout d'un proxénète.
Ces images montrent que l'homme chaussé de Weston domine les femmes, qui sont des objets sexuels à sa disposition.
Au nom des signataires - un millier en trois mois - du Manifeste " NON à la pub sexiste ! " (ci-joint), je vous demande de prendre l'engagement de cesser d'utiliser des représentations sexistes dans vos futures publicités.
Sans réponse satisfaisante de votre part avant le 15 janvier 2001, nous serons en droit de penser que vous continuerez à faire de la publicité pour vos chaussures avec des images de domination sexiste. Dans ce cas, les responsables de La Meute lanceront des actions publiques, en liaison avec d'autres personnes ou associations désirant elles aussi réagir à cette campagne. "